Après les révélations de Lyon Capitale sur le financement d’Interpol par l’industrie du tabac, le JDD rapporte un étrange dîner entre le numéro deux mondial du tabac et plusieurs parlementaires français. De nouveaux conflits d’intérêts qui enfreignent la convention-cadre de l’OMS.
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Dans son numéro de juin, Lyon Capitale révèle comment l’industrie du tabac finance et collabore avec Interpol, l’organisation mondiale de police basée à Lyon. Comment, en 2012, le plus grand cigarettier du monde, Philip Morris International, a signé un chèque de 15 millions d’euros sur trois ans à Interpol. Et comment cet accord transgresse les règles de la convention-cadre antitabac de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Début avril, le bureau de la convention de l’OMS a même adressé un courrier à Interpol. Objet de ce courrier : savoir comment Interpol encadrait les éventuels conflits d’intérêts avec l’industrie du tabac.
Un repas à 10 000 euros
Dans son édition du 2 juin, Le Journal du dimanche décrit de nouveaux conflits d’intérêts entre l’industrie du tabac et les pouvoirs publics. L’hebdomadaire décrit un curieux repas entre parlementaires et représentants du cigarettier britannique, British American Tobacco (BAT), propriétaire des marques Lucky Strike, Vogue ou Dunhill. Comme le don à Interpol, ce dîner enfreint l’article 5.3 de la convention-cadre antitabac de l’OMS, qui veille à ce que “les politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac”.
Nous sommes le mercredi 29 mai, au restaurant Chez Françoise, à deux pas de l’Assemblée nationale. Plusieurs députés français ont pris place autour de la présidente de BAT France, Soraya Zoueihid. Il y a André Santini (UDI), Patrick Balkany (UMP), François Sauvadet (UDI), Odile Saugues (PS) et Dominique Bussereau (UMP), l’ancien secrétaire d’État aux Transports. Tous sont membres du Club des parlementaires amateurs de havane. Cigares, cuisses de grenouilles, vins de Bourgogne : l’addition atteint 10 000 euros et sera réglée par les lobbyistes du tabac. Odile Saugues, invitée qui a accepté de répondre au JDD, avoue : “BAT entretient des relations dans le but de peser et faire passer des idées.” Avant d’ajouter : “Mais ça ne change rien, je vote toutes les hausses de prix.” Mais, pour Bertrand Dautzenberg, président de l’Office français de prévention du tabagisme, “c’est du lobbyisme pur et dur”. Il nous confie : “Ces dîners sont courants. Ils servent à faire passer des amendements à l’Assemblée par ses petits copains députés.”
Une loge à Roland-Garros pour 50 000 euros
Fin 2012, un rapport de la Cour des comptes critiquait les limites des politiques publiques françaises en matière de lutte contre le tabagisme. Et incitait à de fortes hausses de prix. Depuis quatre ans, le prix des paquets de cigarettes augmente chaque année de 30 centimes. Mais ce coût serait un point d’équilibre, qui contenterait à la fois l’État, heureux de conserver ses 14 milliards de recettes fiscales, et les industriels du tabac, qui limitent la hausse des prix. Bertrand Dautzenberg estime que le lobbying de l’industrie du tabac “a infiltré Bercy et l’Élysée”. Il évoque le cas d’Olivier Lyon-Caen, conseiller santé de François Hollande : “Il est l’un des fondateurs de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM), aux côtés de Louis Camilleri, président de Philip Morris International (PMI).”
Un lobbying de l’industrie du tabac qui se poursuit jusque dans les travées des Internationaux de France. Dimanche 2 juin, toujours d’après le JDD, British American Tobacco aurait loué une loge à Roland-Garros pour 50 000 euros, et invité le numéro deux des douanes, Henri Havard, ainsi que plusieurs membres des cabinets de Pierre Moscovici, ministre de l’Économie, et Manuel Valls, ministre de l’Intérieur.
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A lire : l'enquête de Lyon Capitale-le mensuel de juin sur les relations d'Interpol et des lobbys, notamment celui du tabac. Aperçu ici.
Lyon Capitale n°723 est en vente en kiosques jusqu'au 4 juillet, et dans notre boutique en ligne.