Menaces de licenciement, injures, voire intimidations physiques de salariés : des méthodes loin de l’esprit du syndicalisme. 3e volet de notre enquête sur le CER de la SNCF : les ressources humaines.
Rappel : Les 26 et 27 juin derniers, huit syndicats du comité d’établissement régional (CER) de la SNCF, CGT entête, comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Lyon. Leur sont reprochés des faits d’abus de confiance, faux et usage de faux. Durant des années, ils auraient ainsi ingurgité une bonne part du budget de fonctionnement du CER, via un accord de répartition imposé par la CGT et signé par tous.
D’ici au rendu du jugement, le 26 septembre, ces syndicats sont bien entendu présumés innocents. Nous avons toutefois pu explorer des dizaines de pages de documents exclusifs : PV de réunions du CER, courriers alarmistes du cabinet d’expert-comptable, bilans annuels, tracts dénonçant en interne la direction du comité... Mis bout à bout, ces documents jettent une lumière crue sur la façon dont un syndicat majoritaire impose sa loi au sein d’une structure censée servir les intérêts des salariés et qui, en fin de compte, aura servi à financer les syndicats eux-mêmes.
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“Manque de trésorerie” pour payer les salaires
Le personnel du comité d’établissement régional (CER) de la SNCF est bien sûr en première ligne en cas de difficultés financières de son employeur. En juillet 2004, la CFDT et Sud Rail déplorent de concert, dans un courrier adressé au directeur technique, que, “pour la troisième fois en quinze mois, le CER ne peut honorer les salaires de ses employés par le manque de trésorerie”. Ils en attribuent de nouveau la responsabilité aux dirigeants du CE, coupables de “mauvais choix de gestion”.
Il y a pire. Philippe Colin (CFDT) n’aura de cesse de dénoncer la gestion désastreuse du personnel du CER. En juillet 2004, il révèle, en réunion de CE, les pressions exercées en interne pour forcer certains salariés à demander leur déplacement au sein de la SNCF et contribuer ainsi à assainir les finances du CER : “Je pense qu’au CE on se comporte par rapport à la masse salariale comme des “patrons” se comportent dans les entreprises. (...) Nous savons qu’il existe des pressions sur certains salariés du CE et nous ne pouvons accepter une telle démarche de la part de “syndicalistes”.” (Les guillemets sont présents dans le PV de réunion.)
“Les méthodes que vous déployez sont celles qu’emploie le patronat”
Deux mois après cette réunion, Philippe Colin récidive : “La situation de crise ne doit en aucun cas conduire l’équipe dirigeante du CE (directeur, secrétaire et la CGT) à s’en prendre ouvertement aux salariés, qui ne sont pas responsables de cet état de fait. Malheureusement, depuis plusieurs jours, voire semaines, les salariés du CE subissent de la part de cette “équipe” un harcèlement sans relâche... Pressions pour changer de poste, pressions pour rejoindre la SNCF, menaces de licenciement si refus de changer de poste, demandes d’explications écrites... (...) Les méthodes que vous déployez sont celles qu’emploie le patronat dans de nombreuses entreprises, et la CFDT ne peut accepter de telles pratiques, encore moins quand elles proviennent de syndicalistes. Si la SNCF agissait ainsi avec les cheminots, vous auriez déjà déclenché un conflit, mes camarades.”
Les salariés qui se rebiffent contre la CGT le font à leurs risques et périls. Au sein du comité central d’entreprise (CCE) de la SNCF, certains salariés avaient créé un nouveau syndicat voici quelques années, baptisé “Tous ensemble”... et y avaient adhéré à 80 %, relate Jean-Luc Touly. La CGT n’a pas attendu pour réagir : elle a fait appel à la justice pour bloquer ce rival indésirable.
Cela peut s’avérer plus grave encore. Willy Pasche, l’ancien salarié du CE qui a fait éclater l’affaire, peut en témoigner : pneus crevés au couteau, intimidations physiques, injures, menaces, etc. “J’ai déposé plainte, mais leurs sbires prennent soin de ne jamais vous menacer devant des témoins, ce qui rend quasi impossibles les accusations, et les plaintes ne peuvent aller très loin”, a-t-il confié à Jean-Luc Touly. Certains agresseurs, qu’il est néanmoins parvenu à identifier, ont été convoqués par la police. Depuis, “les agressions ont cessé”.
La solitude du salarié face à son patron syndicaliste
Le salarié d’un CE comme celui de la SNCF à Lyon fait d’ailleurs face à un paradoxe : son employeur est... un syndicaliste, celui-là même qui devrait l’aider. Difficile de demander à la CGT de lutter contre la CGT ! L’argument est évidemment valable pour les autres syndicats. Un détour par les prud’hommes risque en outre de les conduire devant un aréopage de conseillers abritant un élu du syndicat concerné.
Une action en justice concernant un CER recèle enfin d’autres pièges, car il est toujours possible à un syndicat de remplir une salle d’audience, et les délégations au CER peuvent puiser dans le budget du comité d’établissement pour payer ces frais de procédure. Le CCE de la SNCF n’a-t-il pas provisionné 941 000 euros en 2009 pour frais de litiges, selon le magazine Capital* ? Les salariés n’ont pas une telle manne à leur disposition.
* Voir “Quand la CGT de la SNCF se transforme en patron voyou”, Dominique Foing, Capital, janvier 2010.
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bref, de quoi damer pion aux plus puissants trusts internationaux ! pour trouver les fonds nécessaires à cette opération, la CGT s'est adressée tout naturellement à la banque de L'Etat bourgeois, la Caisse des dépôts et consignations, qui s'empressa e de consentir un prêt de 45 millions de francs, remboursables sur vingt-cinq ans. A un taux bonifié, naturellement.
début il y avait foule, le 4 juin 1982, entre la porte de Bagnolet et la porte de Montreuil .Toute la gauche politico-syndicale se pressait à l'inauguration du nouveau siège de la CGT. Un instant historique de la lutte des classes que « l'Humanité » du lendemain décrivait avec émotion : « La cérémonie s'est passée dans le grand patio ouvert, immense verrière de 2 500 M2 qui se donne des airs de cathédrale avec ses impressionnantes verticalités. C'est clair, simple et beau ».
2 mais aussi très cher, puisque la CGT reconnaît elle-même que ce gigantesque complexe immobilier lui a coûté la bagatelle de 32 milliards de centimes. Les délégués de la confédération n'en étaient pas revenu lorsqu'on leur avait annoncé, lors du 39` Congrès de juin 1976, la décision d'ouvrir ce qui devait être « le plus grand chantier de la région parisienne et peut-être de France ». Rien n'est trop beau pour les représentants du prolétariat : quatre immeubles de verre et de béton, plusieurs
3 dizaines de salles de réunion, un forum, un gigantesque parking, un restaurant de mille cinq cents couverts. installation téléphonique informatisée... bref, de quoi damer pion aux plus puissants trusts internationaux ! Pour trouver les fonds nécessaires à cette opération
4 la CGT s'est adressée tout naturellement à la banque de L'Etat bourgeois, la Caisse des dépôts et consignations, qui s'empressa e de consentir un prêt de 45 millions de francs, remboursables sur vingt-cinq ans. A un taux bonifié, naturellement.
5 la lecture attentive du rapport financier, publié à l'occasion du dernier congrès, est fort instructive . II en ressort que la CGT, à la date du 1' janvier 1981, n'avait investi, pour la construction de son nouveau siège, qu'une très faible partie des sommes nécessaires : 15 millions de francs sur un total de 320 millions. La confédération peut se vanter d'avoir réalisé un excellent investissement. Avec l'argent des autres...
6 Il n'y a aucun doute : lorsqu'il s'agit de leurs propres affaires, nos syndicalistes manifestent une compréhension naturelle des mécanismes de la société capitaliste.
7 ces chiffres, officiels ou officieux, ne donnent toutefois qu'une indication très partielle de la puissance financière des syndicats. Ils ne concernent en effet que les seules confédérations et excluent les fédérations professionnelles et les unions locales qui y sont affiliées et qui prélèvent la plus grosse partie des cotisations. les dirigeants syndicaux se vantent de tirer plus de 80 % de leurs ressources des cotisations de la base. Mais ce pourcentage ne résiste pas à l'examen, car les
8 subventions de toutes sortes On peut alors se demander quelles sont les autres ressources des syndicats. II y a, tout d'abord, les aidés financières ou matérielles fournies par les municipalités, qu'il est difficile de chiffrer avec précision, mais dont on peut imaginer l'ampleur à partir de quelques informations partielles découvertes ici et là
9 fin avec l'argent des contribuables, les trente mille stagiaires cégétistes du Centre confédéral d'éducation ouvrière feront sûrement de bons responsables syndicaux. II suffit pour s'en convaincre de jeter un oeil sur les sujets enseignés : « Le mécanisme de l'exploitation capitaliste », « Karl Marx et le capital », « L'accumulation capitaliste
AN 2007 En plein cœur de la réforme des régimes spéciaux de retraites, les syndicats avancent l’argument de la pénibilité du travail. Certes, les cheminots ont des avantages font-ils savoir, mais c’est une juste compensation d’un dur labeur. Les agents de la SNCF, affrontant qui, la rudesse du climat pour entretenir la voirie, qui, l’humeur des clients ou une journée en solitaire à bord d’une cabine climatisée, finiraient épuisés, lessivés, éreintés à la fin de leur carrière.
suite et fin Malheureusement, les données disponibles infirment ces allégations. En comparaison avec la population française, les agents de la SNCF partent plus tôt en retraite que les autres salariés français (87 % partent avant ou à 55 ans), mais bénéficient, de plus, d’une espérance de vie supérieure (79 ans et 1 mois contre 78 ans et 7 mois)…
explosif pas de vagues. ' De gauche comme de droite, une classe politique frileuse a toujours craint de mettre les cheminots dans la rue. La SNCF serait une vache sacrée qu'il faudrait ménager et le TGV une des vitrines de la maison France. Les patrons successifs de la SNCF ont appliqué ces consignes de prudence avec un zèle remarquable. Aujourd'hui, le résultat est sans appel : les trains roulent, ils roulent même bien, mais ils coûtent, et ils coûtent fort cher à l'État. L'ardoise de la SNCF
suite des syndicats divisés, des sureffectifs flagrants, un fret sinistré, des filiales en folie, des projets pharaoniques et un parfum insistant de corruption : cette belle et coûteuse bureaucratie de 180 000 personnes, 230 000 avec les filiales, apparaît à peu près impossible à réformer. À l'égal de nombreux services publics ' à la française '. Au terme de cette enquête impitoyable mais sans a priori menée par trois journalistes d'investigation, le constat est accablant :
PATRIMOINE IMMOBILIER! L'empreinte d'un groupe national ICF Sud-Est Méditerranée est l'une des 4 entreprises sociales pour l'habitat (ESH) filiale du groupe ICF, qui gère près de 100 000 logements locatifs sur toute la France. Le groupe ICF étant lui-même l'une des filiales logements de la SNCF. Le Groupe Immobilière des Chemins de Fer propose au personnel SNCF une large gamme de logements, partout en France. Du logement social soumis à plafond de ressources au logement intermédiaire ou à loyer libre, en passant par le pavillon individuel, le groupe ICF s’attache à respecter la diversité de son parc, pour mieux répondre à la demande des salariés de la SNCF.