En confrontant la fougue clinquante de jeunes danseurs venus de Broadway à des univers sur fond de crise économique, écologique et sociale, Yan Duyvendak renouvelle la comédie musicale pour en faire le témoin d’une fin du monde annoncée.
Artiste néerlandais issu de la performance et de la vidéo, Yan Duyvendak réalise pour la première fois un spectacle dansé et musical, Sound of music. Son travail est très lié à des questions de société, par exemple Made in Paradise autour de l’islam ou Hamlet qui interroge le fonctionnement du système judiciaire.
La pièce qu’il présente à la Biennale parle cette fois-ci de nous et la fin du monde. Vaste réflexion qu’il démarre en 2008, au moment de la crise des subprimes, en collectionnant nombre d’articles qui analysent le naufrage contemporain comme les licenciements massifs, les catastrophes écologiques, les guerres, les suicides des jeunes, la baisse du pouvoir d’achat... L’homme n’est pas optimiste et, face à cet état du monde, à des situations chaotiques qui n’ont pas de sens, il cherche à dire son mal-être tout en revendiquant un besoin de légèreté.
“Ce sentiment de chaos, dit-il, est repris dans la forme du spectacle. Ma conception de la comédie musicale fait référence, non pas à celles qui ont une narration linéaire avec des personnages, un univers rose bonbon et une fin heureuse. Ce sont celles des années trente qui m’intéressaient, nées après le krach de 1929 et parlant de la noirceur du monde, des problèmes de la vie quotidienne, du manque d’argent. La construction de Sound of music est basée sur un patchwork aléatoire de situations qui mélangent le rêve, avec des petites esquisses de personnages, le côté kitsch avec en contrepoint des textes écrits par Christophe Fiat, projetés sur grand écran. Leur teneur est violente et j’ai voulu une contradiction entre la scène et ce qu’ils disent. Pour parler de choses graves, il n’y avait, pour moi, que la comédie musicale car c’est la forme la plus antinomique à la noirceur du monde.”
Deux chorégraphes... pour casser les codes
Pour travailler la chorégraphie et l’intensité du propos, Yan Duyvendak a demandé à deux chorégraphes d’en écrire chacun des parties différentes : le Français Olivier Dubois, auteur notamment de Tragédie (qui présente un autre spectacle à la Biennale, Auguri) et l’Américain Michael Helland. Il a choisi le premier pour son extraordinaire capacité à transformer l’énergie des danseurs en une transe qui crée une communion avec les spectateurs, le second parce que son approche de la danse se fait dans l’altérité, l’écoute, pas dans le simple fait de compter pour danser. Ces deux-là instaurent une dramaturgie émotionnelle avec des moments de jubilation intense, des corps de plus en plus vivants qui prendront le relais de la violence des textes et qui exploseront à la fin.
Si la pièce a son lot de chansons interprétées par les danseurs, les costumes eux ont une signification particulière : “Ce sont des costumes normaux, de la vie quotidienne, indique Yan Duyvendak. Mais, au fur et à mesure, les danseurs revêtent des T-shirts dorés. Ce clinquant, c’était une manière de dire : on a une énergie vitale donc on donne un élan positif à la fin. Cette transformation scénique comme la danse avec les deux chorégraphes n’allaient pas de soi pour les danseurs car ils sont tous issus de Broadway et ont dû aussi apprendre à casser les codes d’une certaine forme de comédie musicale, y compris avec les chansons dont certains textes sont très intimes. Mais ils ont relevé le défi !”
Yan Duyvendak / Sound of music – Jeudi 15 septembre à 20h, vendredi 16 et samedi 17 septembre à 18h30, au théâtre de la Croix-Rousse. Dans le cadre de la Biennale de la danse 2016.
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