Devant les difficultés financières, Christian Schiaretti, le patron du TNP, présente une saison plutôt en retrait par rapport aux institutions théâtrales de notre région. Il parie sur la mobilisation militante des spectateurs, avec une affiche de qualité mais austère.
“Les vrais républicains, c’est nous !” a martelé Christian Schiaretti durant la présentation de la saison 2015-2016 au public. Les raisons d’une telle déclaration, elles sont dans l’effort (incontestable) fait pour respecter l’argent public, c'est-à-dire rééquilibrer les comptes d’ici à 2017, et donc rembourser les dettes contractées (pour plusieurs raisons : défaut d’une rallonge demandée à l’État, suppression de la subvention allouée par le conseil général, coût des représentations de Mai, juin, juillet en 2014 à Avignon et une hausse des charges structurelles, qui représentent 80 % du budget).
Conséquence de ce serrage de ceinture : une programmation restreinte pour ce qui concerne les spectacles coûteux et l’arrêt de l’emploi régulier de la troupe permanente du TNP. Ce régime basses calories sera-t-il bien vu du côté du ministère de la Culture, au moment où Christian Schiaretti, arguant du fait qu’il n’a pu, en raison des travaux effectués, jouir de ses équipements qu’en 2011, demande la prolongation de son mandat jusqu’en 2019 ? La réponse tiendra sans doute à la fréquentation des spectateurs. Viendront-ils aux “petites formes” proposées par les comédiens de la troupe ? Se déplaceront-ils pour des spectacles qui tablent davantage sur la qualité du texte que sur l’abondance d’effets spéciaux et/ou une distribution de stars ? Réponse dans un an…
“Bettencourt Boulevard”, le spectacle phare
Objet d’articles et d’enquêtes innombrables, de parodies plus ou moins inspirées et de discussions interminables, l’affaire Bettencourt n’a cessé de passionner les Français depuis 2010, année de sa révélation. Laurent Ruquier en a même tiré une farce, Parce que je la vole bien.
Si l’humour n’est pas exclu de la pièce écrite par Michel Vinaver, Bettencourt Boulevard ou une histoire de France, que mettra en scène le patron du TNP fin 2015, ce sera surtout une fresque de deux heures et demie qui plongera les spectateurs dans ce scandale qui mêle savamment argent et politique. Une histoire, écrite à 87 ans par le plus grand de nos dramaturges contemporains, qui dit tout ce qui fait notre histoire de France.
À côté de cette création, la reprise en ouverture de saison de La Leçon d’Eugène Ionesco, également mise en scène par le patron du TNP, fait un peu pâle figure. Mais les amateurs de drôlerie et d’absurde auront à cœur d’apprécier la prestation d’Yves Bressiant, qui reprend le rôle du maître tenu par Robin Renucci dans la version initiale.
Autre création estampillée TNP, Ubu roi, programmée en avril 2016, devrait réunir les amateurs de farce et de grotesque. Ne serait-ce que parce que l’on y retrouvera l’excellente Élizabeth Macocco avec les comédiens de la troupe permanente du TNP.
Le berceau de la langue
Les comédiens du TNP, on les verra également dans toute une série de comédies et de farces mises en scène collectivement. Elles ont pour objet de nous faire remonter le temps et de nous faire entendre la langue française telle qu’elle était parlée à ses origines. Du moins en partie, puisque les œuvres sont adaptées en mêlant au français moderne les textes originaux. On explorera la fin du XIe siècle avec La Chanson de Roland, un des plus anciens textes littéraires de langue française, le XIIe avec Le Roman de Renart et Tristan et Iseult. Mais aussi le XVe avec Le Franc-Archer de Bagnolet, une fable peu connue qui influença pourtant Corneille et Rabelais.
Un nouvel Harpagon au TNP
Le rôle qui incombe au TNP, celui de faire entendre nos classiques, ne sera pas oublié. Avec notamment une version de L’Avare proposée par Ludovic Lagarde, où un Harpagon moderne et paranoïaque engrange ses bénéfices dans un entrepôt ultramoderne protégé par moult alarmes et caméras de surveillance.
La famille selon Ibsen et Koltès
Points communs entre Le Canard sauvage d’Henrik Ibsen et Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès ? Outre le fait d’être à l’affiche du TNP, les deux pièces ne sont pas les plus jouées de leurs auteurs et parlent de la famille d’une façon drôle et inquiétante. Signalons que celle de Koltès sera jouée aux Célestins, endroit idéal puisqu’elle met en scène une bourgeoisie sur le déclin, travaillée par sa mémoire coloniale.
Et un vaurien à la fin
Attention à la singulière plongée dans l’onirisme qui sera proposée en fin de saison. Elle sera menée par l’imaginaire de Ferenc Molnar. Auteur hongrois qui, dans Liliom (ou la vie et la mort d’un vaurien), décrit l’histoire d’un voyou, bonimenteur de foire, qui tente par tous les moyens d’échapper à sa condition pour offrir un peu de dignité à la femme qu’il aime et à son futur enfant. La mise en scène que réalise Jan Bellorini de cette œuvre bouleversante a été saluée pour sa qualité et sa modernité.
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Les autres panoramas de saison :
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