Seul collège public du Rhône à récupérer les téléphones des élèves à leur arrivée, l'établissement Marcel-Pagnol en tire un premier bilan positif... et va même étendre son expérimentation.
Il est 7h50 quand les élèves du collège Marcel-Pagnol, à Oullins-Pierre-Bénite, franchissent progressivement la grille de l'établissement. Derrière l'une des entrées menant au hall, une table et quatre boîtes en plastique. Une par classe de 6e. Tous les matins, les 86 élèves qui effectuent leur première année de collège s'arrêtent. Et tendent leur pochette colorée à un assistant d'éducation (AED). À l'intérieur, un précieux sésame pour chaque jeune : le téléphone portable. Ils le retrouveront seulement à l'issue de leur journée de cours.
Une expérimentation lancée dans 200 collèges volontaires de France. Seul établissement à l'avoir mis en place dans le Rhône, il y a plus de six mois et seulement pour ses élèves de 6e, le collège Marcel-Pagnol en tire aujourd'hui un premier bilan positif, explique le principal Yann Durozad à la nouvelle rectrice de l'Académie de Lyon, Anne Bisagni-Faure.
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Un dispositif simple et peu couteux
Une visite qui intervient quelques jours seulement après les propos de la ministre de l'Education nationale, Elisabeth Borne, souhaitant généraliser cette "pause numérique" dès la rentrée prochaine. L'application de cette mesure pourrait néanmoins s'avérer plutôt ardue.
Si au collège Marcel-Pagnol, le choix s'est porté sur la mise en place d'un dispositif "artisanal" et peu couteux (110 euros au total), cela ne pourra pas être compatible dans tous les établissements. "Cette manière de faire pourrait fonctionner dans les collèges jusqu'à 350 ou 400 élèves", estime-t-il. Au-delà, l'option (plus couteuse) des casiers pourrait par exemple être nécessaire.
D'autant que la loi interdit depuis 2018 l'utilisation du téléphone portable dans toutes les écoles maternelles, primaires et dans les collèges. "Mais ça permet de conforter l'idée qu'il n'y ait aucun usage du téléphone dans la vie scolaire", ajoute la rectrice Anne Bisagni-Faure. Depuis la rentrée, deux collégiens qui ont tenté de passer entre les mailles du filet ont été repérés et sont passés en conseil de discipline pour des raisons aggravantes (publication d'une photo sur les réseaux sociaux et cyber-harcèlement). Des exclusions temporaires ont été prononcées. "Ce nouveau règlement permet aussi une sanction plus forte", ajoute le principal.
Un aspect logistique à perfectionner

Globalement, l'expérimentation a été bien accueillie chez les élèves. "Au début, ça posait problème à quelques personnes, mais on s’habitue", explique l'un d'entre eux à la rectrice. Nawel Ouramdane, assistante d'éducation, a mené un mémoire dans le cadre de ses études sur le sujet.
Elle détaille : "Les élèves qui font la pause numérique au collège prennent conscience que l’outil peut se détacher du corps. Donc, ils vont spontanément voir l’adulte pour parler d’un problème. Or les autres ont le réflexe de le faire sur les réseaux sociaux". "La pause numérique amène le discours de l’institution, qui est le nôtre. Mais ça n’a évidement pas réglé les problématiques d’usage à la maison", tempère Mme Plan, représentante des personnels enseignants.
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"Nous aurons une nouvelle génération qui aura connu un collège sans téléphone"
Yann Durozad, principal du collège Marcel-Pagnol
La distribution d'un questionnaire aux collégiens a là aussi permis de tirer un bilan positif de l'expérimentation. Grâce au vote du conseil d'administration à l'unanimité, elle sera naturellement maintenue pour ces élèves l'année prochaine et s'étendra même aux nouveaux élèves de 6e. "Nous aurons une nouvelle génération qui aura connu un collège sans téléphone", se félicite Yann Durozad. Et reprend : "C’est entré dans les mœurs, ils ont quitté l’objet doudou et n'en font plus une prolongation du bras".
Désormais, les équipes du collège se préparent à l'élargissement du dispositif pour la rentrée prochaine et tenteront de le rendre plus fluide. Car pour l'heure, des difficultés sont rencontrées au moment de la restitution du téléphone. Un processus plus long, qui peut entraîner l'impatience de certains collégiens. "À chaque temps, ça immobilise un AED à un poste qui n’est pas crucial en termes de climat scolaire", pense Hervé Dussert, professeur d’anglais.
Une organisation qui reste à parfaire donc pour le principal Yann Durozad et ses équipes, mais qui pourrait incontestablement servir de point d'appui à l'Académie de Lyon. Voire plus. La nouvelle rectrice a promis de remonter au niveau national ces observations.
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