Sur le papier, pas de quoi casser trois pattes à un canard. La réalité est abrupte et tranchante. Et superbe.
Sur le papier, le format 89 kilomètres pour 4 600 mètres de dénivelé positif (100 K) semblait roulant. Sur le terrain, l'immersion dans la diversité des paysages du Vaucluse et du Ventoux s'est avérée tout autre. "Un paquet de coureurs ont simplement vu le ratio distance/dénivelé, autour de 48 mD+/ km, pas trop relevé, plutôt accessible. Mais le parcours du Grand Raid Ventoux doit se regarder sur le type de terrain, piégeux" nous confiait l'un des organisateurs à notre arrivée à Malaucène, dans la nuit.
L'échantillon phare ? L'étape Savoillan-Mont Serein. 15,5 kilomètres pour un dénivelé positif de près de 1 300 mètres. Rien de bien méchant mais un tracé tout en progression, en faux-plat extrêmement compliqué à courir. Où il s'agit de tenir pendant des heures et tenir un rythme difficile entre marche rapide et petites foulées particulièrement scélérates. Et de se dire qu'une grosse cote plus raide eût été plus facile, comme la portion suivante qui grimpe jusqu'au sommet du mythique mont Ventoux (4,7 km - 660 mD+).
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Casse-pattes
Il y a aussi le col de la Chaîne-Arfuyen, dernier coup de cul du 100 K, qui s'avère être l'un des plus difficiles et techniques de la course (avec, certes, la fatigue de fin de course à prendre en compte). Et avant ça, une portion de 7,3 kilomètres et 200 petits mètres de dénivelé positif qui attaque lentement l'organisme et casse de la fibre. Sans compter le dernier tronçon jusqu'à la ligne d'arrivée. Long, très long. Roulant généreux. Roulant au grand coeur.
Le roulant est un faux ami. Le roulant ne roucoule pas comme ses deux syllabes. Le roulant rompt, détruit, brise et écrase. "Fracas roulant des canons, tonnerre roulant, bruit roulant de moulin" écrit Zola.
"Roulez jeunesse !" On se croirait revenu sur un stand d'autos-tamponneuses quand l'animateur, derrière son micro, dans sa cabine, lançait les festivités. Le roulant en trail est comme une auto-tamponneuse : il cogne, percute et emboutit. Le corps devient une fête foraine. L'attraction n'est plus le paysage, c'est toi. La course devient un grand huit, un star flyer avec ses chaises volantes attachées à un immense mât. Tu es sur la chaise.
Le roulant fait mal. Le roulant se fait au mental. Gros coup au moral. Les derniers kilomètres roulent. Avant la mousse, tant convoitée. Avant ça, tu amasses toute la casse de ce jeu des mille bornes roulantes. Un vrai casse-gueule.
Mais la beauté fait tout oublier. Tout est pardonné. La réserve naturelle du Groseau, le village perché de Brantes, les gorges du Toulourennc, la chapelle Piaud, le portait Saint-Jean, un imposant rocher au pied du Ventoux qui renferme une légende captivante, celle d'une porte secrète qui s'ouvre à Noël, révélant un trésor inaccessible. Des panoramas superbes, un itinéraire exigeant et varié, entre crêtes, combes et patrimoine local.
Podium masculin : Ben Dhiman (USA – UTMB Index 890) s’impose en 7h35'47, il devance Baptiste Chassagne (FRA - UTMB Index 885) après une belle bataille, tandis que Thibaut Garrivier (FRA - UTMB Index 897) complète le podium.
Podium féminin : Laure Paradan (FRA - UTMB Index 709) s'impose en 9h14'10 après une course parfaitement menée. Elle devance Mari Klakegg Fenre (NOR – UTMB Index 741), qui prend la deuxième place, et Camille Bruyas (FRA - UTMB Index 756), qui complète ce podium relevé.
Les 3 premiers (hommes-femmes) du 100K sont qualifiés pour la CCC 2026 à Chamonix
