Nathalie Dompnier, présidente de l'Université de Lyon
Nathalie Dompnier, présidente de l’Université de Lyon

"La science n'est pas là pour dire comment agir, elle est là pour décrypter" assure Nathalie Dompnier

Nathalie Dompnier, présidente de l'Université de Lyon, est l'invitée de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

A l'occasion de la finale lyonnaise du concours ma Thèse en 180 secondes (dont Lyon Capitale est partenaire média), qui se déroule jeudi 20 mars dès 18h, la nouvelle présidence de l'Université de Lyon a fait le déplacement sur le plateau de 6 minutes chrono pour évoquer la défiance croissante envers la science, avec deux questions : comment expliquer cette méfiance et quels sont les moyens de restaurer la confiance dans la recherche ?

Outre-Atlantique, les chercheurs sont confrontés à une offensive sans précédent. Censure, licenciements, coupes budgétaires… L’administration Trump a lancé une croisade contre la recherche scientifique.

"Tout un ensemble de discours circulent et sont placés sur un plan d'égalité, le discours scientifique parmi eux, explique Nathalie Dompnier. La question qui se pose, c'est de savoir quelle est la spécificité de ce discours scientifique, de la construction scientifique elle-même."

"Nous avons, aux États-Unis, un président qui entend non seulement dire ce qu'il convient de faire dans la société, mais aussi dire ce qu'il convient de penser et ce qu'est la vérité"

Et de rappeler que la science permet de "dévoiler, décrypter, analyser". "La science n'est pas là pour dire comment agir, poursuit-elle. Je pense que la confusion est en partie là aujourd'hui si nous regardons ce qui se passe aux États-Unis pour reprendre votre exemple. Nous avons aux États-Unis un président qui entend non seulement dans son rôle de politique dire ce qu'il convient de faire dans la société, mais aussi dire ce qu'il convient de penser et ce qu'est la vérité, ce que sont les choses. Or, à l'évidence ici, nous avons une grande confusion puisque les discours qui sont ainsi produits sont très éloignés de ce que la science permet et effectivement de mettre en évidence grâce à un travail d'analyse, grâce à un travail critique."

C'est aussi l'enjeu du concours international ma Thèse en 180 secondes, l'un des plus grand concours de vulgarisation scientifique du monde, dont la finale lyonnaise se tient jeudi 20 mars, dès 18h00, au Grand amphithéâtre de l'Université de Lyon (90 rue Pasteur, Lyon 7e).

Lire aussi : Ma Thèse en 180 secondes - Université de Lyon 2025

"Notre rôle d'université, d'établissement d'enseignement supérieur et de recherche, c'est bien sûr de faire de la recherche, mais c'est de la mettre à disposition du plus grand nombre."

Ma Thèse en 180 secondes propose aux doctorants de présenter, devant un jury et un auditoire profane et diversifié, leur sujet de recherche en termes simples. Ils étaient 12 doctorantes et doctorants du site Lyon Saint-Étienne à exposer, en trois minutes, de manière claire, concise et néanmoins convaincante, leur projet de recherche.

"C'est notre rôle aussi d'université, d'établissement d'enseignement supérieur et de recherche, c'est bien sûr de faire de la recherche, mais c'est de la mettre à disposition du plus grand nombre. Et donc comment faisons-nous ? Effectivement, cela demande des compétences particulières parce qu'il y a des compétences de chercheurs qui ne sont pas les mêmes que les compétences de vulgarisateurs, de médiateurs, de passeurs de sciences."

Lire aussi les portraits des candidats à Ma Thèse en 180 secondes - Université de Lyon 2025 :

Note :  une candidate n'a pas souhaité être médiatisée en amont de la finale.

Lire aussi les résumés des thèses des candidats à Ma Thèse en 180 secondes - Université de Lyon 2025 :


La retranscription intégrale de l'entretien avec Nathalie Dompnier

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono, nous accueillons aujourd'hui Nathalie Dompnier qui est présidente de l'Université de Lyon. Merci d'être venue sur ce plateau. Alors, nous allons parler avec vous d'un concours international réservé aux doctorants qui s'appelle Ma Thèse en 180 secondes et dont Lyon Capitale est partenaire média déjà depuis quelques années. L'idée grosso modo, c'est qu'il y a des chercheurs, des futurs enseignants-chercheurs, trois ans de thèse qui doivent résumer leur thèse en trois minutes. C'est un exercice de vulgarisation scientifique. Et alors justement, quand on parle de vulgarisation, il y a quand même quelque chose qui est important. On l'a vu avec l'actualité internationale, notamment Donald Trump, le président américain, qui a attaqué les sciences frontalement. Aujourd'hui ce n'est pas nouveau, mais ça prend une ampleur, c'est la défiance qu'il y a envers la science. Comment cela s'explique-t-il ?

Oui, alors nous sommes effectivement dans une situation où nous avons tout un ensemble de discours qui circulent et qui sont placés sur un plan d'égalité, le discours scientifique parmi eux. Donc la question qui se pose, c'est de savoir quelle est la spécificité de ce discours scientifique, de la construction finalement scientifique elle-même. Donc la science permet de dévoiler, de décrypter, d'analyser. La science n'est pas là pour dire comment agir et je pense que la confusion est en partie là aujourd'hui si nous regardons ce qui se passe aux États-Unis pour reprendre votre exemple. Nous avons aux États-Unis un président qui entend non seulement dans son rôle de politique dire ce qu'il convient de faire dans la société, mais aussi dire ce qu'il convient de penser et ce qu'est la vérité, ce que sont les choses. Or, à l'évidence ici, nous avons une grande confusion puisque les discours qui sont ainsi produits sont très éloignés de ce que la science permet et effectivement de mettre en évidence grâce à un travail d'analyse, grâce à un travail critique.

Le niveau d'éducation, de diplôme, a-t-il quelque chose à voir avec la possibilité d'adhérer à certains faits alternatifs, des contre-vérités ou pas ?

Alors, ici pas nécessairement. Je dirais que lorsque nous sommes à l'université avec des étudiants qui ont effectivement déjà pratiqué la recherche, et cela se fait dès le niveau licence, mais plus encore au niveau master et évidemment des doctorants, nous avons des personnes qui sont familières avec la démarche scientifique, avec les caractéristiques de cette démarche et sans doute qui sont beaucoup plus sensibles à ces différences entre des régimes de vérité donc variés. En revanche, c'est sans doute moins évident pour quelqu'un qui n'a pas pratiqué directement cette activité. Pour autant, je pense que c'est aussi une question d'éducation, c'est aussi une question de compréhension de ce que sont les enjeux de la recherche, de la démarche scientifique et Ma Thèse en 180 secondes permet précisément de donner à voir ce qu'est la recherche et peut-être aussi de regagner en confiance vis-à-vis de cette recherche.

Donc, nous l'avons dit, c'est 180 secondes, c'est trois minutes pour finalement résumer, vulgariser une thèse, la faire comprendre parce que quand nous regardons les intitulés, c'est du chinois et au final, quand nous terminons les trois minutes, nous avons l'impression d'avoir tout compris. Donc les enjeux de Ma Thèse en 180 secondes pour l'Université de Lyon, en tout cas la finale locale de l'Université de Lyon, c'est vulgariser. Est-ce qu'au niveau de la formation, j'ai vu que l'Université Paris Cité avait mis en place en septembre dernier un programme de formation à la vulgarisation. Qu'en est-il pour l'Université de Lyon ?

Oui, alors je précise, c'est vulgariser, mais vulgariser, c'est aussi mettre à disposition et cela, je pense que c'est très important. C'est comment nous faisons en sorte que des recherches extrêmement pointues, extrêmement précises, et vous avez évoqué les titres des thèses, c'est normal qu'ils soient complexes puisque chacun va s'atteler à traiter un sujet pointu et nouveau, une thèse vient apporter quelque chose à la recherche en train de se faire. Donc cette complexité est normale. Comment faisons-nous ensuite pour que cette recherche en train de se faire dans les universités et notamment à travers les thèses, soit accessible, soit mise à disposition de la société ?

C'est un bien commun.

Tout à fait. Et je pense que cela, c'est notre rôle aussi d'université, d'établissement d'enseignement supérieur et de recherche, c'est bien sûr de faire de la recherche, mais c'est de la mettre à disposition du plus grand nombre. Et donc comment faisons-nous ? Effectivement, cela demande des compétences particulières parce qu'il y a des compétences de chercheurs qui ne sont pas les mêmes que les compétences de vulgarisateurs, de médiateurs, de passeurs de sciences. Et cela, aujourd'hui, en effet, à l'Université de Lyon, comme dans d'autres universités, eh bien, nous y travaillons avec les jeunes chercheurs que sont les doctorants, notamment en proposant des formations, un accompagnement, un coaching, finalement, pour travailler sur cette dimension-là. Et puis, nous le faisons aussi auprès des enseignants-chercheurs déjà en poste, je dirais, ou des seniors avec lesquels nous travaillons aussi sur ces dimensions-là, à travers tout un ensemble d'événements, que ce soit la Fête de la science, que ce soit le Festival Pop' sciences, par exemple, qui est organisé chaque année, parce qu'il y a un vrai enjeu aussi pour être en confiance avec le grand public, à réussir à transmettre, à passer tous ces savoirs scientifiques.

Allez, quand même, une petite dernière question, cela va être très rapide, très synthétique. Avec quel nouveau chapitre s'ouvre votre présidence à l'Université de Lyon ?

Alors, aujourd'hui, avec l'ensemble des établissements du site, nous nous attachons à créer de nouvelles formes de coopération entre les établissements et notamment à travailler à une stratégie scientifique commune. Comment, en alliant les domaines sciences-santé, ingénierie, sciences humaines et sociales, arrivons-nous à appréhender de manière très transversale des grands enjeux de société ? Et cela nous ramène un petit peu à la question que vous posiez au début, parce que finalement, être capable de parler des défis planétaires, des grands enjeux, d'économies circulaires, de l'intelligence artificielle avec cette approche à 360 degrés dans tous les domaines disciplinaires, c'est en partie répondre à ces enjeux de connaissance au sein de la société.

Écoutez, ce sera le dernier mot. Merci beaucoup. En tout cas, je vous rappelle, Ma Thèse en 180 secondes finale l'Université de Lyon, c'est le 20 mars. Et pour plus d'informations, évidemment, c'est www.lyoncapitale.fr qui est partenaire de Ma Thèse en 180 secondes. Merci beaucoup d'être venue sur le plateau. Merci à vous. Merci, au revoir.

Merci à vous.

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