Cyrille Michaud, commissaire de l'exposition "Entre rave et réalité" à la Bibliothèque municipale de la Part Dieu, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.
La Bibliothèque municipale de Lyon propose jusqu’au 31 octobre une exposition intitulée Entre rave et réalité, qui explore l'histoire de l'émergence des musiques électroniques à Lyon dans les années 1990. Cette période a été marquée par une répression significative de la part des autorités locales, qui considéraient ces événements comme des rassemblements illégaux souvent associés à la consommation de drogues. Sur le plateau de 6 minutes chrono, Cyrille Michaud, l’un des commissaires de l’exposition, revient sur les temps forts de cette décennie et sur l’impact qu’elle a eu sur la scène musicale locale.
“Lyon, aujourd'hui reconnue comme une place forte de l’électro en France et en Europe, était dans les années 90 plutôt vue comme un laboratoire de la répression anti-rave”, rappelle Cyrille Michaud. À cette époque, les soirées électroniques attirent un public de plus en plus large. “Au début, c’était quelques centaines, ensuite plusieurs milliers de ravers”, explique-t-il. Mais l’essor de ces événements suscite rapidement l’inquiétude des autorités.
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Selon le commissaire de l'exposition, “les pouvoirs publics ont voulu encadrer un mouvement de la jeunesse qu’ils ne comprenaient pas”, associant parfois à tort ces rassemblements à la consommation de drogue. Cette hostilité culmine avec l’affaire du festival Polaris, en 1996. Une soirée autorisée dans un premier temps, mais dont la mairie restreint finalement la tenue jusqu’à minuit et demi sous la pression de la préfecture et des patrons de boîtes de nuit. “C’est vraiment le moment où les acteurs des scènes électroniques se sont dit : il faut qu’on se fédère”, se souvient Cyrille Michaud. De cet épisode naîtra le syndicat Technopol, encore actif aujourd’hui et qui organise notamment la Technoparade chaque année à Paris.
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L’exposition, elle, entend s’adresser à un large public, en s’appuyant sur une diversité de supports : chronologies, interviews audio, vidéos, vêtements, machines de production, platines… et bien sûr, des flyers, “le support de communication de l’époque”.
Parmi les trésors exposés, l’un tient particulièrement à cœur à Cyrille Michaud : l’évocation de L’Hypnotique, un squat mythique sur les pentes de la Croix-Rousse. “Ça a duré d’octobre 93 à fin janvier 94, et ça a été un accélérateur de ce mouvement sur les musiques électroniques”, souligne-t-il. Alimenté en électricité par l’immeuble voisin, avec une seule toilette pour des centaines de fêtards, ce lieu éphémère incarne à ses yeux l’esprit pionnier de toute une génération.
L’exposition Entre rave et réalité est visible jusqu’au 31 octobre 2025 à la Bibliothèque municipale de la Part-Dieu.
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La retranscription complète de l'émission avec Cyrille Michaud :
Bonjour à tous, bienvenue dans l'émission 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale. Aujourd'hui, on va parler de musique à travers l'expo Entre rave et réalité : les musiques électroniques à Lyon dans les années 90. C'est la nouvelle exposition de la Bibliothèque municipale. Elle se tient à la Bibliothèque de la Part-Dieu du 2 avril au 31 octobre 2025. Pour en parler, nous recevons l'un des commissaires de l'exposition : Cyrille Michaud. Bonjour Cyrille Michaud, merci d'être venu sur notre plateau. On va rentrer dans le vif du sujet. Est-ce que, d'abord, vous pouvez nous donner le contexte des années 90 dans lequel la ville de Lyon est devenue une ville qui compte sur le plan de la musique électronique, donc des musiques encore émergentes ?
Alors, les musiques électroniques sont devenues importantes à partir des années 2000. On sait aujourd'hui que Lyon est vraiment reconnu comme un endroit important au niveau national, voire européen, sur les musiques électroniques, à travers sa scène électro ou ses événements de musique électronique. Mais à l'époque, Lyon était plutôt réputée comme étant le laboratoire de la répression anti-rave, puisque très vite il y a eu de la répression sur les événements de musique électronique.
Alors comment ça s'est passé ? Les pouvoirs publics ont identifié rapidement ou pas qu'il y avait peut-être des problèmes ? Et quels étaient-ils ces problèmes sur les raves, sur les soirées ? Pourquoi est-ce qu'il y a eu cette répression, en fait ?
Au début, c'était plutôt toléré, parce qu'incompris. Et quand les pouvoirs publics ont constaté qu'il y avait de plus en plus de participants – au début c'était quelques centaines, ensuite plusieurs milliers de ravers – ils ont voulu vraiment encadrer le mouvement, en faisant un amalgame aussi entre consommation de drogue et raves, mais aussi pour encadrer un mouvement de la jeunesse qu'ils ne comprenaient pas.
C'était quelle ampleur ? Vous venez de le dire, plusieurs milliers de personnes allaient à ces soirées. Il y avait beaucoup de soirées dans la région lyonnaise, autour de Lyon ? C’est ça ? Conséquent. On en parlait avant l'émission : ce n’était pas les clubs comme on les connaît aujourd'hui. Peut-être qu'on peut, en quelques mots, parler aussi du festival Polaris, qui retranscrit bien cette période. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qui s'est passé ?
Polaris, c’est vraiment l'acmé de la répression anti-rave, puisque c'était une rave qui devait être organisée à la Halte Henri Garnier, en février 1996. Elle avait toutes les autorisations. Elle était même organisée par la Tribu des Pingouins, qui organisait de grosses raves dans le sud de la France, comme Boréalis. En fait, les pouvoirs publics avaient donné une autorisation — la mairie avait donné une autorisation — mais sous la pression de la préfecture, puis d'une association de patrons de boîtes de nuit lyonnaises, l’ADLR, une autorisation a été donnée simplement jusqu'à minuit et demi, ce qui revenait à annuler la soirée. Et c'est vraiment le moment où les acteurs des scènes électroniques se sont dit : il faut qu'on se fédère et qu'on s'organise pour avoir plus de poids et pouvoir parler aux pouvoirs publics. C’est la création d'un syndicat qui s'appelle Technopol, et qui existe toujours. Il organise notamment la Techno Parade chaque année à Paris.
Voilà, donc c'était quand même un moment un peu charnière. C'est ça, il y a eu un avant et un après. Juste en quelques mots, on peut parler un peu musique quand même. Qu'est-ce qu'on écoutait ? Parce qu’aujourd’hui, on parle de musique rave, comme si c’était un genre à part entière. Dans les années 90 à Lyon, c’était quel type de musique ?
La région lyonnaise était plutôt réputée pour la techno, plus que pour la house, alors qu’à Paris, c’était un peu l’inverse. Mais il y avait plein d'autres genres de musique électronique : la trance, le hardcore, mais aussi de l’ambient. L’idée, c’était vraiment que, dans ces événements-là, toutes les musiques électroniques étaient représentées.
Alors, on va parler maintenant de l’exposition. Merci pour tous ces détails sur l’histoire. Qu’est-ce qu’on peut voir et entendre ? Vous pouvez bien sûr aller voir plus en détails chacun de ces éléments présentés dans l’émission. Qu’est-ce qu’on peut voir ou écouter, d’ailleurs, dans cette exposition à la Part-Dieu ?
L’idée de l’exposition, c’est vraiment qu’elle s’adresse à un grand public. On est une bibliothèque municipale, on s’adresse à tout le monde. Donc on a aussi essayé de varier un peu les supports pour que le public non spécialiste puisse s’y retrouver. On a déjà une chronologie des musiques électroniques, pour ceux qui ne connaissent pas l’histoire, qu’ils puissent s’en imprégner. Également de l’écoute des différents genres de musique électronique de l’époque. Et on a multiplié les supports : c’est-à-dire qu’on n’a pas simplement des choses à plat. On a beaucoup de vidéos, beaucoup d’interviews audio, des vêtements, des machines de production électronique, des platines, et évidemment énormément de flyers, qui étaient le support de communication de l’époque.
Est-ce que, pour vous, il y a un coup de cœur, en tant que commissaire de l’exposition ? Quel est, selon vous, ce qui est immanquable ?
Ce qui m’a le plus surpris, en fait, c’est vraiment un lieu éphémère qui est devenu mythique, qui s’appelait L’Hypnotique, qui était sur les pentes de la Croix-Rousse. Ça a duré d’octobre 93 à fin janvier 94, et ça a été un accélérateur de ce mouvement sur les musiques électroniques. C’était un squat où l’on pouvait accueillir plusieurs centaines de personnes, voire des milliers. L’électricité était branchée sur l’immeuble voisin, il y avait une seule toilette pour toutes ces personnes. Et ça a servi d’accélérateur, alors que c’était un lieu très éphémère.
C’était où, dans les pentes de la Croix-Rousse ?
Rue Manival.
D’accord. Voilà, donc intéressant de se replonger dans cette histoire. Merci beaucoup Cyrille Michaud. C’est la fin des 6 minutes chrono. Quant à vous, je vous remercie d’avoir suivi cette émission. Vous pouvez bien entendu retrouver plus de détails sur la musique électronique et son histoire lyonnaise, du 2 avril au 31 octobre, à la Bibliothèque de la Part-Dieu. C’est passionnant. Merci d’avoir suivi cette émission. Plus de détails sur l’actualité culturelle sur lyoncapitale.fr. À très bientôt.