Ce mercredi 22 juillet, s’est tenue une séance relative à la procédure de sanction engagée à l’encontre de la chaîne Numéro 23, au cours de laquelle les membres du collège du Conseil supérieur de l’audiovisuel ont entendu le rapporteur indépendant, membre du Conseil d’État, ainsi que les représentants de la chaîne assistés de leur avocat.
Les représentants de la chaîne Numéro 23 n’ont pas souhaité rendre publique cette séance, possibilité ouverte par l’article 13 du décret du 19 décembre 2013. On ne peut que le regretter, tant a contrario l’enthousiasme desdits représentants était grand lors de l’audition du 8 mars 2012, laquelle avait abouti à l’autorisation de la chaîne, alors portée par l’Élysée et par un CSA docile présidé par Michel Boyon.
Conformément à l’article 16 du même décret, relatif à la procédure de sanction mise en œuvre par le Conseil, et en application de l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, réuni en séance plénière aujourd’hui, a décidé de renvoyer l’affaire et demande au rapporteur de poursuivre et de compléter son instruction, notamment au regard des questions que la séance du 22 juillet a soulevées. Le Conseil lui demande également de remettre son rapport complémentaire le 16 septembre prochain.
Rappelons que dans sa convention, pourtant opportunément allégée juste avant son lancement, Numéro 23 s’engageait à privilégier “les cinématographies provenant d’Asie, d’Amérique latine et d’Afrique”. Mais, il y a quelques jours, le CSA faisait ses comptes : en 2014, 92 % des films diffusés étaient américains, tandis qu’aucune œuvre africaine n’était proposée. Également en cause, le quota d’œuvres européennes et de films d’art et d’essai, non respecté par la chaîne de la TNT. De son côté, la chaîne RMC Découverte était accusée de ne pas avoir proposé assez d’émissions européennes et françaises sur sa grille, privilégiant notamment des formats américains.
Cahier des charges ignoré et actionnariat exotique
Aux heures de grande écoute, le canal d’Alain Weill a ainsi diffusé 32 % d’œuvres européennes (contre 55 % imposés) et seulement 5 % d’œuvres françaises (contre 35 % imposés). Dans les deux cas, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a mis les chaînes en demeure en les invitant, dans un contexte où la seconde tente de racheter la première, “à se conformer, dès l’exercice 2015 et à l’avenir, à leurs obligations de diffusion d’œuvres audiovisuelles”.
En outre, l’article 40 de la loi de 1986 interdit à un étranger (au sens “extracommunautaire”) de disposer de plus de 20 % du capital social ou des droits de vote d’un média français. Or, avec sa minorité de blocage, c’est bien Alicher Ousmanov qui apparaît comme le donneur d'ordres et par conséquent le patron effectif de Numéro 23 (lire ici). Le pacte précise en effet qu’“aucune décision d’assemblée générale extraordinaire” ne saurait être prise “sans l’aval d’UTH Russia”.
Au surplus, Pascal Houzelot a signé, au mois de mai 2014, un nouvel accord avec la Qipco (Qatar Investment & Projects Development Holding Company), détenue par l’ancien émir du Qatar, proche de Nicolas Sarkozy. Quant aux autres actionnaires français (dont Xavier Niel et Bernard Arnault), ils ont financé la chaîne fantôme sans programmes ni public via un prêt obligataire et ont apporté 9 millions d’euros (14 millions au total pour le prêt consenti à Numéro 23).
Enfin, l’existence de ce pacte pour le moins exotique et insolite ne pouvait être ignorée d’Alain Weill, qui s’est porté acquéreur de la chaîne Numéro 23, après que celle-ci eut été sauvée en septembre 2014, comme d’ailleurs RMC Découverte, à la faveur de retraits de recours au Conseil d’État, au nom de “l’intérêt général et [de] la préservation de la filière audiovisuelle française” et pour ne pas faire, par ricochet, de “victimes collatérales”. Autant de sujets “délicats” que le rapporteur du Conseil d’État devra traiter d’ici à la mi-septembre, afin de dissiper le “flou” de ce dossier, qui n’a vraiment plus rien d’artistique.