Thierry Regond, secrétaire général du tribunal des activités économiques de Lyon et président du cluster Eden dédié aux métiers de la Défense
Thierry Regond, secrétaire général du tribunal des activités économiques de Lyon et président du cluster Eden dédié aux métiers de la Défense

Tarifs douaniers : "les PME françaises sont trop petites, sous-capitalisées, donc dépendantes des marchés" assure Thierry Regond

Thierry Regond, délégué général du tribunal des activités économiques de Lyon, est l'invité de 6 minutes chrono / Lyon Capitale.

Les droits de douane généralisés de 20 % sur les importations en provenance de l'Union européenne entrent en vigueur mercredi 9 avril. Ou devaient.

"Visiblement l'entrée en vigueur est décalée pour un certain nombre de produits, assure Thierry Regond, délégué général du tribunal des activités économiques de Lyon et directeur des affaires publiques, normatives et administratives chez Sunaero Group, spécialiste des solutions de maintenance rapide pour l’aéronautique. L'Europe riposte coup pour coup en augmentant les tarifs douaniers pour les produits provenant des Etats-Unis. Pour les vins et spiritueux, on ne serait pas très loin d'un accord réciproque. Globalement, on est rentré dans une grande démarche de négocations internationales". Première mise en oeuvre des nouveaux droits de douane à partir du 15 avril pour certains produits et mai pour d'autres.


Cette mise à jour de Thierry Regond a été faite mardi 8 avril, au lendemain de l'enregistrement de l'émission.


"La méthode de Trump, c'est c'est 'je colle un bourre-pif et ensuite je négocie'"

"Il faut parfois prendre un traitement pour se soigner", avait lâché le président de Etats-Unis Donald Trump il y a quelques jours, en référence à la dépendance de l'économie américaine aux importations. Et d'ajouter que "la seule façon de résoudre ce problème, c'est les droits de douane".

"Il faudrait qu'il le prenne aussi le traitement, explique, sur le ton de la boutade, Thierry Regond, délégué général du tribunal des activités économiques de Lyon. En réalité, c'est sa méthode... Sa méthode c'est 'je colle un bourre-pif - excusez-moi de l'expression - et puis ensuite je négocie'. Actuellement la poussière n'est pas redescendue. On n’y voit pas clair. Il y a des négociations en cours. On peut avoir de bonnes surprises (...) On est dans une situation un peu atypique, c'est-à-dire que globalement on a quelqu'un qui essaie de positionner avant tout ses intérêts. On a l'impression qu'il n'a pas pris en compte l'intégralité des conséquences que ça peut avoir sur le monde mondial."

Vers une vague de dépôts de bilan ?

Pour les entreprises qui dépendent des exportations américaines, le risque de dépôt de bilan est probable, notamment pour celles qui sont fragiles financièrement, qui ont du mal à financer leur court terme et leurs besoins en fonds de roulement. "Une chute drastique de chiffre d'affaires pourrait entraîner des difficultés."

Plus globalement, Thierry Regond, également président du cluster Eden, dédié aux entreprises de la défense, c'est le profil des entreprises auralpines (et françaises) qui peut poser problème.

"Les entreprises françaises sont trop petites et, la plupart du temps, sous-capitalisées, ce qui les rend extrêmement dépendantes de nos marchés."

"C'est assez compliqué parce que la problématique des PME françaises, c'est notre taille. Nous sommes tous trop petits, la plupart du temps sous-capitalisés, ce qui nous rend extrêmement dépendants de nos marchés. C'est-à-dire qu'on n'a pas beaucoup de marge de manœuvre et ces entreprises sont généralement extrêmement endettées, vous l'avez dit, PGE, mais des boîtes qui étaient très endettées déjà avant la crise, et donc la marge de manœuvre est extrêmement limitée. Elle consisterait à aller voir ailleurs, c'est-à-dire exporter dans d'autres pays, mais ça ne se fait pas du jour au lendemain, donc il va falloir mettre en place des outils d'accompagnement et de soutien."


La retranscription intégrale de l'entretien avec Thierry Regond

Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau rendez-vous de 6 minutes chrono, nous accueillons aujourd'hui Thierry Regond qui est secrétaire général du tribunal des activités économiques de Lyon et président du Cluster Eden, rassemblement d'entreprises qui travaillent dans la défense et la sécurité intérieure. Bonjour. Avec vous Thierry Regond on va parler de la hausse drastique des tarifs douaniers par le gouvernement américain. Je cite une phrase de Donald Trump : il faut prendre un traitement pour se soigner. Qu'est-ce que vous auriez envie de lui répondre à Donald Trump ?

Il faudrait qu'il le prenne aussi le traitement. Alors ça c'est un peu la boutade. En réalité c'est sa méthode, sa méthode c'est "je colle un bourre-pif", excusez-moi de l'expression, "et puis ensuite je négocie". Actuellement la poussière n'est pas redescendue. On y voit pas clair. Les négociations sont possibles jusqu'au 9, c'est-à-dire jusqu'à mercredi. On est dans une situation un peu atypique, c'est-à-dire que globalement on a quelqu'un qui essaie de positionner avant tout ses intérêts. On a l'impression qu'il n'a pas pris en compte l'intégralité des conséquences que ça peut avoir sur le monde mondial.

Conséquences aussi possible sur la propre population américaine, on commence à le voir. Quels impacts justement ça peut avoir sur les entreprises de la région et quel secteur notamment pourrait être les plus touchés ?

Alors on voit tout à fait un impact, y compris et surtout pour les PME, et notamment les entreprises qui sont exportatrices directement de produits finis ou de produits agroalimentaires, aux États-Unis. Et ça, ça peut être dramatique effectivement, avec certaines entreprises qui dépendent de cette exportation aux États-Unis, ce qui fait qu'elles peuvent avoir des difficultés extrêmement importantes.

Donc déjà des PME qui sont déjà fragilisées avec les remboursements des PGE, avec beaucoup de choses. Finalement, comment ces PME peuvent encaisser ce truc ?

C'est assez compliqué parce que la problématique des PME françaises, c'est notre taille. Nous sommes tous trop petits, la plupart du temps sous-capitalisés, ce qui nous rend extrêmement dépendants de nos marchés. C'est-à-dire qu'on n'a pas beaucoup de marge de manœuvre et ces entreprises sont généralement extrêmement endettées, vous l'avez dit, PGE, mais des boîtes qui étaient très endettées déjà avant la crise, et donc la marge de manœuvre est extrêmement limitée. Elle consisterait à aller voir ailleurs, c'est-à-dire exporter dans d'autres pays, mais ça ne se fait pas du jour au lendemain, donc il va falloir mettre en place des outils d'accompagnement et de soutien.

Et alors, ça doit être quoi ces outils d'accompagnement de soutien ?

Alors, ce n'est pas du quoi qu'il en coûte, on ne peut plus, on n'a plus à l'exportation, à l'exportation dans d'autres pays, puisque de toute façon nous allons, pour riposter à cette attaque, parce qu'il s'agit d'une attaque, mettre en place un certain nombre de conventions de libre-échange avec d'autres pays. Il faudra en profiter, ça se fera dans l'intérêt de nos entreprises. Il faudra les soutenir à l'exportation. Il existe déjà des dispositifs, notamment au niveau de BPI, qu'il faudra peut-être augmenter.

Lundi matin, pardon, sur Sud Radio, Laurent Wauquiez était interrogé, qui parlait justement de lui, pour lui, c'était une opportunité, justement, à saisir pour avoir une plus grande souveraineté, revenir à produire chez nous.**

Alors, effectivement, pas forcément pour les entreprises qui exportaient des produits finis, mais pour les entreprises qui avaient besoin d'un certain nombre de composants américains, on pourrait se dire, effectivement, il serait intéressant de reproduire chez nous un certain nombre de choses qu'on maîtrise par ailleurs. La problématique, c'est le marché. C'est-à-dire qu'effectivement, reproduire chez nous, c'est bien. Mais est-ce que notre marché domestique est suffisant ? C'est pour ça que je crois beaucoup au développement de l'exportation des entreprises. Il est important d'exporter et d'aller sonder d'autres pays, d'autres marchés.

Et là, oui, c'est là ce que vous dites, c'est que ça prend un temps, enfin, ça prend beaucoup de temps.

Alors, le problème, c'est ça, c'est le problème temporel, d'où un soutien aux entreprises, alors qui n'est pas forcément un soutien financier direct, mais un accompagnement des entreprises. Pourquoi pas, effectivement, la mise en place d'assurance prospection, peut-être un peu plus costaud, un peu plus étoffé, un peu plus souple également, pour permettre aux entreprises d'aller sonder d'autres marchés, notamment en Afrique, notamment en Asie.

Pn parle du cluster Eden, toutes ces entreprises où il y a un gros écosystème dans la région d'entreprises sur la défense intérieure et sur la sécurité intérieure, mais aussi sur la défense. J'imagine que ça exporte aussi un peu. Elles sont touchées ou pas, ou pas trop ?

Pas vraiment, pas vraiment. Pour les États-Unis, certaines sont touchées, mais c'est vraiment très, très minoritaire. Il faut savoir aussi qu'il y a pas mal d'entreprises qui se sont positionnées aux États-Unis avec une entreprise, une structure filiale aux États-Unis, ce qui leur permet d'éviter ces problématiques.

Et puis, j'aurais une dernière question en tant que vous, secrétaire général du tribunal des activités économiques de Lyon. Est-ce qu'avec cette augmentation des tarifs douaniers, est-ce qu'il y a un risque de dépôt de bilan, une vague de dépôt de bilan ou pas ?

Pour les entreprises dépendant des exportations américaines, oui, c'est probable, puisqu'on a quand même un certain nombre d'entreprises, on le disait tout à l'heure, qui sont extrêmement fragiles financièrement, qui ont du mal à financer leur court terme, leurs besoins en fonds de roulement. Donc, effectivement, une chute drastique de chiffre d'affaires pourrait entraîner des difficultés.

Et là, on n'a pas de... C'est pas clair, on n'a pas de vision sur le nombre d'entreprises...

Non, mais il faut laisser retomber la poussière. Là, pour l'instant, on n'y voit rien, pas grand-chose. On verra peut-être un peu plus clair à partir du 9, parce qu'il y a des négociations en cours. On peut avoir de bonnes surprises.

... Mais une situation quand même pour le moins inquiétante avec cette hausse des tarifs douaniers américains. Merci beaucoup d'être venu sur le plateau de 6 mn chrono. À très bientôt. Au revoir.

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