La préfecture fait du tri dans la diversité culturelle

C'est ainsi que le préfet Vuibert, délégué à l'égalité des chances, justifie le refus de subventionner le travail de trois associations culturelles.

Ce n'est pas le refus de subventions équivalent au tiers de leurs budgets, mais le motif de celui-ci qui a poussé les associations Gertrude II et Awal Lyon à réunir la presse ce jeudi 9 juillet. Ces deux associations cherchent à promouvoir la langue et la culture berbère au travers de projets artistiques. " Faire connaître ces cultures permet d'apporter une paix identitaire ", explique Guillemette Grobon, directrice artistique de l'association Gertrude II. Effectivement, un rapport de la Compagnie Européenne d'Intelligence Stratégiques (CEIS) pour la Commission Européenne souligne la nécessité de financer le développement des langues communautaires pour apaiser les conflits et résoudre les problèmes identitaires.

Le communautarisme, c'est justement le second argument du préfet délégué. " Soutenir de telles associations obligerait la Préfecture à financer des associations communautaristes " estime-t-il. Un raisonnement discutable quand l'ambition de l'association Gertrude II comme d'Awal est justement de faire connaître ces cultures " de France " pour éviter le repli communautaire. " Un amalgame beaucoup trop facile " selon Lahcène Messahli, président de l'association Awal qui évoque un réel problème de légitimité des acteurs culturels. " Si je présentais un projet d'apprentissage du breton, j'imagine que la réponse aurait été toute autre, mais le berbère fait désormais partie de la culture française comme le breton. La diversité ne se suffit plus de la couleur de peau, il faut également observer celles apportée par les actes culturels ". Les deux associations envisagent de s'en référer au tribunal administratif et de saisir la Haute Autorité de Lutte contre les Discrimination (Halde).
Un sous-préfet controversé
Francis Vuibert n'en est pas à sa première polémique. En poste depuis un an, il a également refusé de financer le deuxième volet du projet " les Oubliés " de la Nième compagnie, troupe théâtrale de Vaulx-en-Velin. La subvention aurait dû provenir du Contrat Urbain de Cohésion Sociale (CLUCS). Une enveloppe de 1,2 million d'euros qui finance une centaine de projets culturels. Quelques temps avant d'apprendre le refus de subvention, un agent des renseignements généraux avait rendu visite à la compagnie pour confirmer qu'elle travaillait sur le thème de la guerre d'Algérie, comme le révelait Libélyon. Censure financière ou divergence d'opinion, le sous-préfet à l'égalité des chances ne semble pas accorder de chance aux projets culturels avec la même égalité.
Autre entreprise majeure de sa première année de mandat, le préfet Vuibert est également à l'origine de la rupture de convention triennal entre l'Etat et Axès Libre, une association de réinsertion des prisonniers lyonnais fondée par Eric Jayat, ancien détenu. Même schéma, le sous préfet avait choisi de ne pas renouveler ses subventions poussant l'association au dépôt de bilan. Des choix révélateur d'une certaine politique gouvernementale selon Marc Ambrogelly, conseiller municipal délégué aux luttes contre les discriminations à Villeurbanne. " C'est un problème global d'intégration sociale et culturelle, celui du désengagement de l'Etat. Une action populiste des autorités politiques cherchant à créer un climat d'inquiétude autour de la diversité culturelle ". Contactée par Lyon Capitale, la préfecture confirme le refus des subventions de l'association Gertrude II, expliquant que le projet culturel ne rentrait pas dans les crédits de la ville mais dans ceux de l'Europe. Enfin le sous-préfet estime que " promouvoir la langue berbère n'est pas compatible avec l'intégration par la langue de français d'origines étrangères, souhaitée par l'Etat "

Ces différents choix préfectoraux apparaissent en contradiction avec les promesses gouvernementales. Celles de faire de la lutte contre les inégalités et de l'humanisation des prisons, les prochaines priorités de l'Etat comme s'y est engagé Nicolas Sarkozy lors de son discours de Versailles, le 22 juin dernier.
Victor Guilbert

Photo de Ce ciel si ciel, spectacle produit par Gertrude II (Jean-Pierre Thorn).

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