Ses Vertiges sont à l’affiche du théâtre de la Croix-Rousse cette semaine. Dialogue avec Nasser Djemaï.
Lyon Capitale : D’où est venue l’idée de votre pièce Vertiges ?
Nasser Djemaï : C’est un petit peu mon parcours personnel. Et c’est aussi le prolongement du spectacle Invisibles [sur les Chibanis, NdlR] que l’on avait également présenté au théâtre de la Croix-Rousse.
Il y a eu un travail important avant la création du spectacle…
Oui, j’ai mené, dans des quartiers défavorisés de Grenoble, des ateliers de jeu et d’écriture, des petites enquêtes et en même temps un travail très ludique qui me permettait de questionner les gens avec qui j’étais. Je voulais des choses vécues, pas des stéréotypes, des clichés. D’ailleurs, ces personnes qui sont ensuite venues voir la pièce en ont été très touchées.
Vous avez aussi tenu à travailler avec des comédiens ayant une double culture, maghrébine et française…
Cela me permettait d’être plus proche du sujet que je voulais traiter. Il y a des nuances, liées à la culture méditerranéenne, maghrébine, très précises, que seuls ces acteurs-là étaient en mesure de m’apporter.
Le théâtre peut-il être un moyen d’intégration ?
J’ai en tout cas voulu que mon spectacle soit une sorte de passerelle. Le théâtre a du mal à s’adresser aux milieux populaires, ce n’est pas une question de culture maghrébine. Il y a un réflexe qui n’a pas été développé, comme un sentiment d’illégitimité, un recul qui est commun à une classe sociale moins favorisée. Le théâtre tel qu’il est fabriqué en France a une dimension bourgeoise. Ce n’est même pas une question de prix. C’est une question d’éducation populaire. Elle n’est plus faite aujourd’hui, ou plus de la même manière. J’essaie, par mon travail, d’aller à l’encontre de ces pratiques. Mais ce type de démarche est rare.
Comment voyez-vous la situation à l’approche de la présidentielle ?
J’ai l’impression que le débat a toujours été biaisé. On a tendance à mettre l’accent sur des appartenances religieuses, des origines, alors que l’on est toujours dans la même problématique d’une société où l’on a les riches d’un côté et les pauvres de l’autre, et cela depuis la nuit des temps. La grille de lecture est faussée, le problème est plus de s’insérer professionnellement que de pratiquer sa religion. Il faut un projet commun pour que la jeunesse trouve sa place. Sinon on se trompe de combat.