Théâtre : Violet, les silences explosifs de Jon Fosse

Le metteur en scène Mathieu Gerin présente actuellement à L’Élysée une courte pièce du dramaturge suédois. Violet, ou que se passe-t-il lorsqu’on enferme quatre adolescents dans une boîte à musique et qu’arrive la danseuse ?

Quatre garçons ont monté un groupe et se retrouvent pour répéter dans un local souterrain isolé du (son du) monde. Un soir, une fille y descend. Le metteur en scène Mathieu Gerin nous place derrière l’une des parois (vitrée) du studio de fortune, voyeurs de l’expérience.

Maladie de la jeunesse

En 2011, Mathieu Gerin nous avait présenté, déjà à L’Élysée, une pièce de Ferdinand Bruckner. Les personnages de Maladie de la jeunesse étaient alors au tournant entre l’adolescence et la vie adulte, à l’âge des choix. Les acteurs, pas beaucoup plus âgés que leurs rôles, rendaient de tout leur corps leurs hésitations, mutations et pour certains leur perte au fil (tendu) du spectacle.

Leurs successeurs, sur la scène du même théâtre jusqu’au 20 décembre, sont encore plus jeunes. Mais c’est toujours l’adolescence que creuse l’ancien assistant à la mise en scène de la directrice des Célestins. Les mots sont cette fois de Jon Fosse, le dramaturge suédois contemporain découvert en France grâce à Claude Régy et dont Patrice Chéreau monta I am the Wind en 2011 pour les Nuits de Fourvière. Les mots… ou plutôt leur absence, ou leur interruption, ou la difficulté à les trouver.

Oui…

Car les cinq personnages de Jon Fosse sont beaucoup moins bavards que ceux de Bruckner. Leurs phrases achoppent sur des points de suspension ou font long feu en exclamations. Comme si les enfants de ceux qui “disent” chez Nathalie Sarraute étaient devenus ados. Mutiques ou abrupts, leurs échanges butent sur le silence, celui de l’autre ou celui du monde extérieur, comme leurs corps butent sur les parois de l’espace exigu où ils sont réunis.

Oui…

Mais ils butent aussi sur leur désir, innommé, nié ou abandonné. Comme on abandonne une guitare, faute de se croire capable d’en jouer, à quoi bon ?

Oui…

Jouer, là est la question. Joue-t-on quand on a dix-sept ans ? Et le geste de l’autre, est-il jeu ? Jusqu’où ? Jusqu’à quand ?

Jon Fosse ne répond pas bien sûr, et Mathieu Gerin s’en garde bien. Mais, à la fin de la pièce – qui passe comme un claquement de porte d’ado emportant la moitié de la seule phrase énoncée en une journée (évidemment cruciale, mais inaudible, ou évidemment inaudible car cruciale) –, la porte est ouverte. À nous de gravir l’escalier, ou pas.

NB : “Oui…” est une citation du texte de Jon Fosse.

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Violet. Du 16 au 20 décembre, à 19h30, au théâtre de l’Élysée, rue Basse-Combalot (Lyon 7e, métro Guillotière).

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