Après un début de séance mouvementé (voir notre article), la journée a repris avec l’étude de personnalité de Sylvie P., la pièce maîtresse de l’affaire, celle sans qui l’évasion n’aurait pas été possible.
C’est grâce à celle qui était la compagne de Christophe K. à l’époque que l’évasion a pu avoir lieu. C’est elle qui aurait recruté Nadia K. pour faire entrer armes et explosifs dans l’enceinte du centre pénitencier de Moulins.
Loin de l’image qu’on pourrait s’en faire, la femme qui prend la parole aujourd’hui semble hésitante. “On perd ses mots en prison”, explique Sylvie P. au juge lorsque celui-ci le lui fait remarquer. D’une voix tendue, elle raconte un parcours scolaire quelque peu chaotique. Elle parlera ensuite de ses différents emplois et du premier enfant qu’elle a eu, avec un homme qu’elle finira par quitter. Quelques années plus tard, elle rencontre Christophe K. et tombe sous le charme. “C’est un homme élégant et galant, un homme du XVIIIe siècle”, dit-elle au juge. Ils auront ensemble un autre enfant alors que son compagnon purge une longue peine de prison.
“J’en voulais à Sylvie”
Pourtant, rien ne prédisposait Sylvie P. à cette vie chaotique et encore moins à la prison. Aujourd’hui, sa mère, sa sœur et son beau-frère sont venus à la barre en tant que témoins de moralité, et dans la famille on réussit plutôt bien sa vie. La sœur, Nathalie, est médecin et son mari, Julien M., opticien. Quant au frère, absent, il est cadre commercial.
Apprendre que sa fille entretenait une relation et était enceinte d’un homme emprisonné a été un choc pour la mère de Sylvie P. : “Je n’ai jamais souhaité cette vie pour ma fille, cela m’est insupportable”, dira-t-elle.
Mais, lorsque la famille découvre un soir de février à la télévision l’évasion spectaculaire de Christophe P. et d’Omar T., c’est la colère qui domine. “J’en voulais à Sylvie, explique Nathalie, sa sœur. Certes, elle était amoureuse, mais elle aurait dû d’abord penser à ses enfants !” Depuis son incarcération, en 2009, ce sont ses parents qui ont la garde de son fils et de sa fille.
“C’est important pour moi !”
Nombreuses furent les personnes présentes dans la salle à avoir trouvé le temps très long ce jeudi après-midi. C’est au tour d’Omar T. de prendre la parole. Après avoir refusé de parler au juge instructeur et au psychiatre parce qu’il “n’aime pas les questions”, il décide enfin de s’exprimer. Et il a énormément de choses à dire. Pendant plus de deux heures, il racontera sa vie de ses 3 à ses 17 ans. Il parlera de son père sénégalais, devenu musulman fanatique, qui le brutalisait, de sa mère italienne soumise mais qui finira par se rebeller et de sa sœur avec qui il avait des rapports parfois conflictuels. Mais il parlera aussi longuement de ses voyages scolaires en Allemagne et en Italie, de ses professeurs préférés au collège et du dessin qu’il a fait un jour et qui avait été affiché à la mairie de Montreuil.
Après une heure et demie de son monologue, le juge tente de le remettre sur les rails : “Vous dites beaucoup de choses peu importantes, monsieur T.” “C’est important pour moi ! rétorque le prévenu. Pour que vous compreniez pourquoi je suis devenu un gangster.” Cette interruption ne l’aura pas découragé puisqu’il continuera à ce rythme pendant encore une heure alors que son auditoire lutte pour garder les yeux ouverts. C’est en énumérant le casier judiciaire très fourni d’Omar T. – 14 condamnations tout de même – que le juge parviendra finalement à le stopper.