Le placement en garde à vue du maire de Lyon mercredi 9 avril pour "détournement de fonds publics" fait suite à un signalement de la Chambre régionale des comptes. Un rapport publié en septembre 2024 détaille les griefs des magistrats.
Le maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet a été placé en garde à vue ce mercredi dans le cadre d'une enquête pour détournement de fonds publics ouverte le 7 février 2024 par le parquet de Lyon. Elle avait déjà donné lieu à des perquisitions et des auditions à l'Hôtel de Ville le mardi 13 mars 2024. Elles avaient été réalisées dans le cadre d'un commission rogatoire de trois magistrats instructeurs.
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C'est un rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC) examinant la communication externe de la Ville de Lyon de 2016 à 2024, rendu public fin septembre 2024, qui a mené à l'ouverture de cette information judiciaire. Il pointait du doigt la gestion, par les maires successifs (Gérard Collomb, Georges Képénékian, Grégory Doucet), des chargés de mission, des salariés dont les tâches doivent répondre à des critères bien précis.
"Sur la période contrôlée, durant laquelle trois maires se sont succédés, ces chargés de mission, au nombre d'une vingtaine, recrutés avec la participation des adjoints et souvent hors du cadre légal, exercent des missions correspondant à celles confiées à des collaborateurs de cabinet du maire et non pas des activités administratives", avait ainsi indiqué la CRC. Les magistrats considéraient ainsi que ces salariés "constituent en réalité des collaborateurs de cabinet et que la ville dépasse donc largement le plafond de 12 collaborateurs de cabinet que la loi lui impose".
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Un signalement de la droite en février 2021
En début de mandat, les élus du groupe Droite, centre et indépendants, emmenés par le maire LR du 2e arrondissement de Lyon, Pierre Oliver, avaient été interpellés par une délibération du 30 juillet 2020 qui fixait les effectifs de la municipalité. Une vingtaine de chargés de mission d'adjoints, notamment de la première adjointe Audrey Hénocque, n'y figuraient pas. L'opposition a alors écrit au maire pour demander les fiches de postes de ces chargés de mission, sans succès. Elle a ensuite saisi la commission d'accès aux documents administratifs (Cada) pour obtenir plus de précisions sur leurs prérogatives et effectué un signalement.
Quelques mois plus tard, par une délibération du 30 septembre 2021, le maire de Lyon, Grégory Doucet créait une "direction de la coordination institutionnelle" pour tenter d'apporter un nouveau cadre règlementaire à ces postes situés dans un flou juridique, à la frontière entre collaborateur politique et poste administratif. A l'époque, le conseiller municipal d'opposition, Etienne Blanc avait "félicit(é)" la majorité pour cette initiative, tout en rappelant qu'elle n'apporterait pas de réponse "sur le fond", "à l'observation que nous avions faite relevant de l'interdiction pour les collectivités territoriales de constituer des cabinets au profit des maires adjoints ou des vice-présidents quand il s'agit d'une région ou d'un département".
Puis, dans un communiqué diffusé le 10 septembre 2024, avant même que le rapport ne soit rendu public, la Ville de Lyon précisait ne pas partager "l'analyse juridique de la CRC qui remet en cause l'organisation de la collectivité". Et d'ajouter : "Pour autant, pour protéger l’institution, la Ville de Lyon fait le choix de mettre en œuvre la recommandation émise par une autorité de contrôle et supprimera le pôle des chargés de mission thématique. Les agents seront redéployés et leurs missions évolueront à l’issue d’un processus de dialogue social comme pour toute réorganisation."
Cette ambiguïté entre collaborateur politique et personnel administratif au service de la collectivité fait l'objet d'investigations à la région Auvergne-Rhône-Alpes, dirigée anciennement par Laurent Wauquiez (LR), menées par le parquet national financier (PNF). La région Île-de-France avait également été perquisitionnée en 2020 dans le cadre d'une enquête pour détournement de fonds publics suite à un signalement de la CRC qui pointait du doigt le trop grand nombre de collaborateurs politiques (25 au lieu de 13) employés par la Région.
"Le maire de Lyon est entendu en tant que représentant de la collectivité dans une étape normale de l’enquête pour expliquer le fonctionnement de la ville et défendre la légalité des décisions prises. Il collabore pleinement avec la justice et continue d’assumer ses fonctions avec responsabilité. La Justice suit son cours", a réagi la Ville de Lyon ce midi, alors que la garde à vue pourrait durer toute la journée. Selon le JDD, l'ancien maire de Lyon, Georges Képénékian a également été entendu mardi 8 avril.