Dossier Foot : Supporters et club : “je t’aime moi non plus”

L’OL doit souffler le chaud et le froid envers ses fidèles supporters qui mettent l’animation à Gerland, parfois bien au-delà des règles. Entre fights, hooliganisme et ambiance vitale dans les tribunes.

Dimanche 14 décembre 2008. Trois heures et demi avant le début de la rencontre très attendue et ultra médiatisée entre l’OL et l’OM, pour le compte de la 18e journée de Ligue 1, des incidents éclatent aux abords du bar Le Ninkasi, à deux pas du stade de Gerland. Une dizaine de supporters de chaque équipe s’est donnée rendez-vous pour un fight, un affrontement entre deux bandes rivales, violent, prévu et qui répond à des codes bien précis. La police, au courant depuis le début d’après-midi, intervient très rapidement (voir le reportage photo). Seuls quelques coups de poing sont échangés, les bandes se dispersant au bout de quelques secondes. Deux heures plus tard, aux abords du stade de Gerland, un groupe d’une cinquantaine de personnes, emmené par un des leaders de Cosa Nostra, groupe officiel de supporters lyonnais du Virage Sud, cherchent la confrontation avec des Marseillais. En vain. À la mi-temps, une bagarre éclate dans ce même Virage Sud, créant un mouvement de foule difficilement gérable. Deux personnes sont arrêtées, l’une armée d’un Opinel. Ils rejoindront le club fermé des interdits de stade.

L’OL, club à risque

Au 1er janvier 2009, l’Olympique Lyonnais comptait 18 interdits de stade (voir Repères). Selon un rapport d’information du Sénat de septembre 2007 sur les associations de supporters*, Lyon fait d’ailleurs partie, avec Saint-Etienne, Nice, Marseille, Paris, Lille ou encore Bordeaux des clubs de foot français “à débordements permanents”, malgré le discours des dirigeants olympiens selon lequel “le niveau de violence dans et autour de Gerland est l’un des plus bas de France”.

Ainsi, lors de la saison 2006-2007, l’OL a enregistré quinze incidents, loin derrière le trio de tête PSG (112 incidents), OM (64), Nice (53). “Le problème à Gerland, ce ne sont plus les Bad Gones du Virage Nord, mais le Virage Sud et la Cosa Nostra”, explique Michel Garnier, commissaire divisionnaire à la Direction départementale de la sécurité publique du Rhône, chargé de l’ordre public. La Cosa Nostra - surnommée “la Cosa” par ses membres - est le deuxième groupe officiel de supporters lyonnais le plus nombreux, avec 460 affiliés. Le groupe est né en 2008 de la fusion des Lugdunum’s et des Nucléo, et de certains membres “actifs” des Bad Gones du Virage Nord. Sur son ancien site internet, la Cosa Nostra se présente de cette façon : “ notre but unique n’est pas d’animer la tribune puisque nous ne nous considérons pas comme “ultras” mais de défendre du mieux que l’on puisse notre ville sur nos terres et dans la mesure du possible en déplacement”.

Sur le nouveau site, “ce groupe se veut apolitique et condamnera toute forme de discrimination”. Pour la police, une cinquantaine de supporters, le gros des troupes émergeant de Cosa Nostra, peut être cataloguée hooligans**. Lors du dernier derby entre Saint-Etienne et Lyon, un homme de 40 ans, membre de Cosa Nostra, a été interpellé et condamné pour avoir porté un maillot floqué “Adolf 88” et brandi le drapeau des armées mussoliniennes. “Le type était effectivement de Cosa Nostra mais loin, loin des jeunes, analyse Michel Garnier. Il était clairement politisé, mais c’est un cas isolé”. Pour autant, le Sdig (ex RG) prend très au sérieux ces jeunes supporters (moyenne d’âge 20-25 ans). Même si les ultras – du nom des supporters italiens, à l’origine de l’AC Milan, qui supportent leur équipe par des chants et des tifos - ont une image, souvent infondée d’extrême droite (Nicolas Hourcade, 2000, sociologue à l’Ecole centrale de Lyon), certains d’entre eux sont politisés.

Entre supportérisme à l’allemande et ultras

À l’OL, quand on aborde le sujet, on marche sur des oeufs. Aujourd’hui, avec 3 500 supporters officiels, dont le gros des troupes très ardent, l’OL doit gérer les relations qu’il entretient avec ceux qui font l’ambiance de Gerland et dont il est, au final, pieds et poings liés : sans eux, beaucoup moins d’ambiance, moins de spectateurs qui viennent au stade et, dans une moindre mesure, moins d’intérêt aussi pour les retransmissions télé, moins d’argent qui rentre, etc. “D’un côté, on dit aux supporters qu’ils sont acteurs du monde du football, qu’ils jouent un rôle primordial mais, de l’autre côté, ils n’ont rien à redire sur les dirigeants ou sur les joueurs. Autrement dit, les possibilités d’expression des supporters restent très encadrées”, confie Nicolas Hourcade.

En 2006, l’Olympique Lyonnais a donc créé un poste spécial destiné à faire le trait d’union entre le club et les groupes de supporters. “Ça évite d’avoir des réactions violentes, explique Yannick Pélegrin, Monsieur “supporters” de l’OL, la trentaine passe-partout. Comme par exemple lors d’un match en été 2006, les supporters voulaient faire un tifo avec du papier toilette. On a du leur dire de ne rien faire à cause du vent du nord qui aurait risqué de tout déverser sur la pelouse. Sans interlocuteur, il y aurait eu de gros heurts”. “Le supportérisme lyonnais est identifiable au supportérisme allemand, ajoute Xavier Pierrot, responsable billetterie de l’OL et chargé de mission OL Land. C’est très familial, comme les tarifs. On travaille sur cela pour OL Land”.

Autrement dit, l’Olympique Lyonnais qui a tiré un trait sur les épisodes violents des Bad Gones dans les années 90, n’entend pas revivre aujourd’hui cette situation avec la Cosa Nostra. Cosa Nostra qui demande à être reconnue (le club reconnaît seulement la CNL, nom déposé en préfecture) mais, dans le même temps, organise des fights, du moins une partie de ses membres, dont certains leaders. Difficile cohabitation. D’ailleurs, au terme de supporters, l’OL préfère celui de “clients”. Une manière aussi de réduire le rôle desdits “supporters” à la portion congrue.

Sommaire du Dossier Foot :

*www.senat.fr/rap/r06-467/r06-4671.pdf

** le terme de “hooligan” selon le sociologue rennais Dominique Bodin, est “le résultat d’un jeu de mot de journaliste qui, cherchant une dénomination aux comportements violents qui se donnaient à voir, les affubla du nom d’une famille irlandaise particulièrement violente sous le règne de la reine Victoria : les Hoolihan. Jeu de mot, coquille d’imprimerie, le g et le h se côtoyant sur les claviers anglo-saxons comme sur les claviers “azerty”, le terme de hooligan était né”.

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