A l’ombre de l’OL, trois petits clubs régionaux
L’Olympique Lyonnais, son business, ses salaires mirobolants, ses stars et ses titres... Véritable Ferrari du football français, le club de football de Jean-Michel Aulas reste un modèle pour bon nombre des 1 313 clubs de Rhône-Alpes et une locomotive (de luxe) pour les 210 000 licenciés de la région. La réalité du foot, elle, se joue en semaine, loin des caméras. Lyon Capitale s’est promené sur trois terrains de foot, amateurs et semi-pros, à la rencontre de trois visions du foot, de trois gestions de club et de trois ambitions. Il y a Franck Riboud, le PDG de Danone. Rebuté par l’image “agressive” de l’OL, il préfère miser sur un club de National, Croix de Savoie 74, et entraîne dans l’aventure son ami Zidane. Il y a aussi deux clubs de CFA : l’AS Duchère, qui lorgne sur le stade de Gerland, ou le Football Club Villefranche-Beaujolais, son dauphin, qui espère piquer des “petits” sponsors à l’OL.
À Villefranche, une gestion en bon père de famille
Remonté cette saison en championnat de France amateurs (CFA), le club de foot de Villefranche-sur-Saône, dans le Beaujolais, entend bien y rester. Pour se consolider et, à terme, monter en grade.
4 janvier 2009. 16h15. Coup de sifflet final. Le Football Club Villefranche-Beaujolais (FCVB) bat l’AS Orly 2 buts à 1, à l’occasion des 32e de finale de la Coupe de France. Malgré les 2°C qu’affiche le thermomètre, mille deux cent spectateurs ont investi les gradins couverts du stade Armand Chouffet. Un record depuis belle lurette. L’enjeu était de taille : la victoire a rapporté 82500 euros dans les caisses (plus de 10,5% du budget annuel) et, d’un point de vue purement sportif, a permis au club de renouer avec les 16e de finale, dont les derniers souvenirs - malheureux - remontent au 8 février 1953 : le FCVB avait perdu 1-0 contre Toulouse.
Ici, au coeur du Beaujolais, on est loin du business et des médias. À Villefranche, le foot a toujours été amateur - excepté lors de la saison 1983-1984 où le club a joué la D2, avec l’OL de Nikolic et N’dioro.
Un bus et une loge avec service traiteur
Aujourd’hui, dans l’effectif total de l’équipe “une”, seuls trois joueurs sont sous contrat fédéral, c’est-à-dire semi-pros et donc rémunérés par le club (au minimum 1 800 euros mensuels). Les autres sont comptables, étudiants, électriciens, artisans et touchent de petites primes de matches. Il faut dire que le budget annuel du club, 770 000 euros, ne permet pas de faire des folies*. De toute façon, ce n’est pas le style de la maison.
En Calade, on gère le club de foot local en bon père de famille. “On est un club sérieux qui respecte ses engagements”, explique Jean Gachon, actuel vice-président, au FCVB depuis une bonne cinquantaine d’années. Objectif annoncé : continuer à structurer le club, à jouer en CFA, à se faire plaisir en Coupe de France et, “d’ici deux à trois ans réfléchir à passer le cap supérieur”, explique Christian Du Verne, nouveau président du club. “Monter en National, ça implique qu’il n’y ait que des joueurs semi-pros, donc que le budget doit grossir, que les infrastructures suivent aussi...”.
La mairie qui, avec la Région, finance le tiers le budget du club a d’ores et déjà promis un terrain en synthétique pour cette année. Pour le volet sponsoring, le FCVB a créé un poste spécial, il y a un an et demi. Aujourd’hui, le FCVB dispose d’un bus aux couleurs du club, d’une loge chauffée avec un service traiteur et peut compter sur vingt huit partenaires locaux officiels (Blédina, Installux, Demeures Caladoises, Alloin Transports...) qui rapportent, bon an mal an, quasiment 35% du budget du club. De l’avis des dirigeants, certains gros industriels lyonnais ne verraient pas d’un mauvais oeil de financer un autre club que l’Olympique Lyonnais. Pourquoi pas le FCVB ?
* la moyenne nationale est d’environ 950 000 euros.
La Duchère rêve du stade de Gerland
Avec à sa tête un tout nouveau président, l’AS Duchère a pour ambition de redynamiser son école de football et de faire monter son équipe senior en National avec le secret espoir d’élire domicile au stade de Gerland.
Octobre dernier. Richard Benhamou, l’emblématique président de l’AS Duchère, décide de démissionner. Officiellement pour des raisons de santé. Seulement, l’histoire est bien plus compliquée qu’elle en à l’air. Le bouillant président de la Duch’ ne faisait plus l’unanimité au sein même du club ainsi que du côté de la mairie du 9ème arrondissement. Principal reproche fait à Benhamou : sa gestion solitaire et son manque d’implication auprès des équipes de jeunes. “Je n’ai jamais eu connaissance de ces soit-disant tensions avec la mairie. Ils souhaitent, et c’est leur rôle, que ce club puisse permettre aux jeunes du quartier de pouvoir jouer au football” confie le tout nouveau président de l’AS Duchère, Mohamed Tria, qui admet toutefois que le club du plateau doit s’ouvrir davantage sur le quartier.
Adepte comme son prédécesseur des joutes verbales, il tient à évoquer le quotidien du club duchérois qui avec ses 350 000 euros en fait l’un des plus petits budgets du championnat CFA. “Sur nos trois cents licenciés, il n’y en a qu’une cinquantaine qui paye la licence. Et nous n’avons pas de bus pour nos déplacements”. Mais ce qui semble le plus problématique pour La Duchère, c’est le manque criant d’infrastructures. “On n’a qu’un stade (Balmont – 5600 places, ndlr). Les joueurs de l’équipe senior doivent aller s’entraîner à la plaine des jeux de Gerland”. Mohamed Tria, qui espère que son équipe fanion pourra, d’ici trois à quatre ans, monter en National (équivalent de la troisième division) a de la suite dans les idées. “Dans ma petite ambition personnelle, je me dis que Jean-Michel Aulas va avoir son stade à Décines et qu’il faudra bien trouver une équipe résidente pour Gerland”, lance-t-il malicieusement. Malgré des ambitions débordantes, le président de la Duchère tient à préciser : “mon rêve, ce n’est pas forcément que l’AS Duchère évolue en Ligue 1 mais que des gamins d’Ecully ou Limonest viennent jouer dans ce club”. Histoire de favoriser une certaine mixité sociale et de conserver un lien avec la cité duchéroise.
Zizou et Liza à Croix de Savoie
Pourquoi le Lyonnais Franck Riboud, entraînant avec lui ses amis champions du monde, a préféré investir dans un modeste club des Alpes plutôt qu’à l’OL.
Un modeste club de football savoyard qui suscite l’intérêt de l’un des plus grands patrons français avec à la clef trois champions du monde comme actionnaires. Voilà de quoi intriguer l’univers du ballon rond. Sollicités par Franck Riboud, Zinédine Zidane, Bixente Lizarazu et Alain Bogossian ont accepté d’investir chacun 10 000 euros et d’entrer ainsi dans le capital de la SASP Croix de Savoie qui évolue en National (3e division). En proie à de grandes difficultés financières, le club a été sauvé en novembre 2005 par l’industriel lyonnais Franck Riboud (Danone), un passionné de foot. Mais pourquoi investir en Savoie alors que le Lyonnais aurait pu aussi bien investir dans le club de sa ville ?
“Franck Riboud est un supporter de l’OL mais il souhaitait investir dans un club à vocation sociale. Son entreprise Danone étant présente dans la région, cela lui tenait particulièrement à coeur de nous aider”, confie Patrick Trotignon, le président de Croix de Savoie. Malgré l’arrivée de toutes ces stars, la politique du club se veut avant tout social. “Nous sommes dans un bassin d’environ un million d’habitants, notre souhait est de donner la possibilité aux jeunes de la région de pouvoir s’épanouir en jouant au football”, explique le président du club. Franck Riboud n’en pense pas moins, même s’il aimerait voir son club accéder d’ici quelques années à la Ligue 2. “On ne met pas de pression, mais on s’est fixé des petits objectifs. On souhaite atteindre la L2 d’ici à 2010”, indiquait-il lors de son arrivée à Croix de Savoie.
Sommaire du Dossier Foot :
- Débat Jean-Michel Aulas contre Etienne Tête
- Le foot, un levier de développement ?
- Supporters et club : "Je t'aime moi non plus"
- Lyon est-elle vraiment une ville de foot ?
- Tout est OL
- Il n'y a pas que l'OL
- Le tabou du dopage
- "Le dopage est consubstantiel au sport de haut niveau"
- Les petits secrets de Lacombe
- Entrer dans un centre de formation (et en sortir...)
- "Le sport est une machine à faire penser"