La France est d'ailleurs le plus grand consommateur d'antidépresseurs au monde. Décryptage. (Article paru dans le numéro d'avril de Lyon Capitale)
Les Français ont la fâcheuse réputation d'être les champions du monde de la consommation d'antidépresseurs. Les rares statistiques existantes donnent d'ailleurs du crédit à ce trophée .
Comment l'expliquer ? A en croire le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire publié en septembre 2009, 80% des antidépresseurs sont prescrits par les médecins généralistes. "Ce chiffre me paraît réaliste dans la mesure où nous sommes en première ligne. Les gens viennent consulter pour un état de fatigue, de surmenage, des troubles du sommeil. Presque tous les jours j'ai à faire avec des patients qui souffrent psychiquement. Il s'agit souvent d'un mélange entre angoisse et état dépressif", explique Samuel Guevart un médecin généraliste du 9ème arrondissement.
Face à ce flux incessant de patients fâchés avec leur psychisme, les généralistes ont l'ordonnance facile. Sans accord préalable avec un spécialiste de la psychiatrie.
Durant leur formation universitaire, les généralistes ne reçoivent pas une formation spécifique sur les douleurs psychiques. Ils apprennent sur le tas. "Je n'hésite pas à donner des antidépresseurs à des patients que je sens en souffrance. Mon premier réflexe est d'orienter vers un traitement à base de plantes lors de la première consultation. S'il revient et qu'il ne va pas mieux alors je prescris des antidépresseurs. Mais je ne suis pas surpris que les généralistes soient les plus grands prescripteurs. Un médecin qui reçoit beaucoup de patients a tendance à prescrire beaucoup car il n'a pas le temps de discuter. Il se débarrasse du problème en prescrivant des tranquillisants", conclut un brin navré Samuel Guevart.
La pharmacie des Français est pleine
Les Français ont adopté depuis longtemps une consommation de masse de médicaments pour soigner ou atténuer leurs souffrances psychiques. Voici les grandes familles de médicaments qui dopent la société.
Les tranquillisants
Un tranquillisant fait effet immédiatement mais ne soigne pas durablement. "Ce traitement est très difficile à arrêter et malheureusement nous en prescrivons beaucoup", confie un médecin généraliste. Aussi appelés anxiolytiques, ils peuvent même s'avérer néfastes sur un patient dépressif puisqu'ils corrigent l'état anxieux en orientant vers le bas. Tous ces produits ont tendance à assommer les gens. Les somnolences et sensations ébrieuses étant l'un des principaux effets secondaires. Dans la catégorie tranquillisants, on retrouve aussi les somnifères.
Les médicaments les plus prescrits : Xanax, Lexomil, Tranxene et Valium.
Les antidépresseurs
Les antidépresseurs, eux, ne présentent pas le même caractère addictif. En revanche, leur efficacité est largement prouvée notamment en ce qui concerne les dépressions liées au travail. Point noir de ce médicament : la dizaine de jours avant qu'il ne fasse effet.
Des études menées, notamment aux Etats-Unis, ont montré qu'ils pouvaient même être dangereux. En effet, de nombreux suicides se dérouleraient dans les premiers jours du traitement. Un phénomène notamment constaté chez les bipolaires (une des grandes maladies psychiatriques). Malgré ces quelques réserves, les antidépresseurs sont réputés pour leur efficacité.
Les médicaments les plus prescrits : Deroxat, Prozac, Zoloft ou le Stablon.
Les recettes de grand-mère
Leur efficacité médicale est loin d'être prouvée mais un grand nombre de Français a opté pour une méthode parallèle pour soigner leurs blessures à l'âme. Entraînant dans certains cas et à long terme des lésions corporelles. L'alcool, le cannabis et tous les comportements addictifs endossent alors l'habit de psychotropes. Ils permettent de déplacer le problème ou de tenir face à une situation qui inquiète. Le joint ou le verre d'alcool pour se détendre ou oublier. Aujourd'hui, le corps médical traite d'ailleurs conjointement les problèmes dépressifs et l'alcoolisme.
Après les tickets-resto, le Ticket Psy
Sur les modèles des tickets-restaurant ou des chèques vacances, le ticket-psy a fait son apparition fin août à Paris et à Lyon. Cette nouvelle offre de la société de conseil ASP Entreprise permet aux salariés de suivre une thérapie à durée déterminée, 100% aux frais de l'entreprise. Mais à la différence des tickets restau, ils se demandent à la médecine du travail, confidentialité oblige. Le coût pour l'entreprise : 100 euros, ce qui permet la prise en charge d'une consultation complète pouvant s'élever à 90 euros. Anne de Somer, référente régionale en Rhône-Alpes en est à établir pour le moment une liste de psychologues du travail qui pourraient être conseillés aux salariés en difficulté. Depuis son apparition, le Ticket Psy fait beaucoup parler de lui: on lui reproche d'être un moyen pour l'entreprise de ne pas remettre en question les causes de la souffrance, notamment celles qui sont liées au management.
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