Dossier Jeu : Municipalités et casinos : les liaisons dangereuses

C’est une des incongruités historiques dans la gestion politique des jeux de hasard et d’argent. Les casinos sont liés aux communes par des délégations de service public (DSP), le jeu pouvant ainsi être considéré comme un service d’utilité publique, comparable à la fourrière, à l’eau, aux parkings... Et pour certaines communes, les prélèvements effectués sur les casinos deviennent parfois une recette indispensable à leur fonctionnement, au risque d’instaurer une relation de dépendance, sinon malsaine, au moins risquée.

À Lyon, Le Pharaon rapporte moins d’1% du budget global de la Ville (un peu plus de 5,5 millions d’euros en 2008, voir le tableau). À la question de savoir si ces revenus sont devenus indispensables pour la municipalité, le directeur général des finances de la Ville, Olivier Nys répond “non, mais utiles, oui”. Cette taxe dite “parafiscale” correspond à “2% de points d’imposition, et ce n’est pas rien”, ajoute-t-il toutefois. Mais la relation peut devenir vraiment problématique dès lors que c’est le casino qui finit par faire vivre la municipalité. Un pacte avec le diable?

Pour s’installer sur un territoire, un casinotier doit négocier une DSP avec la municipalité puis, bien sûr, obtenir l’approbation de la Commission des jeux de son ministère de tutelle, celui de l’Intérieur. Les municipalités, elles, y trouvent leur compte, pouvant ponctionner jusqu’à 15% du produit brut des jeux (le PBJ correspondant aux mises des joueurs moins leurs gains), mais aussi récupérer 10% de la redevance que touche par ailleurs
l’ État. En résumé, “les prélèvements sur l’activité des casinos sont le résultat d’une règlementation complexe qui a placé l’État et les communes d’accueil des casinos comme principaux bénéficiaires”, explique Sébastien Camillieri dans sa thèse de droit public*. Et selon les chiffres réalisés par ces maisons de jeux, cela peut rapporter gros aux communes, qui intègrent cette redevance dans leur budget global, sans affectation particulière.

À La Tour de Salvagny, le maire Gilles Pillon accuse le coup : un million d’euros de recettes en moins cette année, dû au chiffre d’affaires en baisse du casino Le Lyon Vert. Il rappelle que ces revenus ont permis à sa commune “de s’équiper d’infrastructures dimensionnées pour des villes de deux à trois fois sa taille”. “C’est pourtant une mauvaise gestion de penser faire le budget avec les recettes du casino”, estime Jean-Marc Peillex, maire de Saint-Gervais-les-Bains.

La plupart des établissements de jeux connaissant une baisse substantielle de fréquentation, les conséquences sont parfois assez violentes. À Chamonix, on avoue “accuser le coup” mais “ne pas vouloir pour autant augmenter les impôts”. Ce qui n’est pas le cas de la commune de Saint-Julien-en-Genevois, où l’on envisage d’augmenter les impôts locaux, “qui étaient maintenus à un taux exceptionnellement bas grâce aux recettes du casino”. À Saint-Gervais-les-Bains, on déclare mais un peu tard, qu’ “il faut avoir conscience dès le départ que ces recettes ne sont pas fixes”.

Sébastien Camillieri souligne dans sa thèse qu’ “à l’origine, le législateur entendait faire de la dérogation d’exploiter des casinos, un moyen pour les communes de développer leur capacité touristique et de leur permettre de se doter des infrastructures adéquates à ces activités”.
* “Les finances publiques et le jeu”, thèse de droit public de Sébastien Camillieri, Université Lyon-III, décembre 2008.

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