La situation actuelle
La France fonctionne sur le principe de la prohibition. Tous les jeux d’argent et de hasard ainsi que les paris qui n’ont pas obtenu de dérogation (c’est-à-dire un agrément donné par le gouvernement à un opérateur) sont formellement interdits. Seuls trois grands types d’opérateurs existent aujourd’hui : les casinos ayant reçu des agréments - les deux plus grands, le Pari Mutuel Urbain et la Française des Jeux qui, seuls, ont le droit d’organiser la prise de paris sur les courses hippiques, le football, ainsi que les loteries. Ces deux derniers organismes sont les seuls en France à pouvoir officier sur le net. Les contrevenants s’exposent à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende (le groupe Partouche a d’ailleurs déjà été condamné à un an avec suris pour avoir ouvert un casino en ligne à Malte).
Quand ?
D’après le calendrier fixé par le gouvernement, le projet de loi devait être présenté en Conseil des ministres fin février-début mars, en vue d’une inscription à l’agenda du Parlement ce premier semestre. Sa mise en oeuvre interviendrait dans la foulée, pour une finalisation prévue pendant l’été. L’ouverture du marché des paris et des jeux en ligne serait alors opérationnelle au second semestre 2009. “Nous, on se tient prêt pour cette date, conformément à la seule communication la plus officielle, celle du Conseil des ministres”, prévient la Française des Jeux. À cette heure, le projet de loi serait en réalité déjà ficelé, mais il n’a toujours pas été présenté. “En ces temps de crise, je comprends que ce ne soit pas la priorité du gouvernement”, suggère Jean-François Cot.
Qui est concerné ?
Toute société, française ou étrangère, qui fera une demande d’agrément au gouvernement.
Objectifs de la loi : la régulation
Selon le rapport Durieux, le dernier en date sur la question de la libéralisation des jeux en ligne et sur lequel s’appuie le projet de loi, elle sera “maîtrisée” afin de préserver deux objectifs d’intérêt général : la préservation de l’ordre social, à travers la protection des joueurs et la lutte contre l’addiction, et celle de l’ordre public pour prévenir la fraude et les opérations de blanchiment d’argent. “Il est grand temps de réglementer cette activité”, insiste Jean-François Cot pour qui “la priorité doit rester la traque des sites illégaux”. “On ne comprendra pas d’être autant taxé si c’est pour laisser agir ce type de sociétés”, estime-t-il.
Conséquences
1- Le cheval en perte de vitesse
L’opérateur PMU est en première ligne dans cette bataille pour récupérer les enjeux en ligne. Le marché des paris sportifs, dont le turf, sera sans doute l’un des plus convoités. Au centre d’entraînement de Chazay-sur-Ain (qui a remplacé celui de Bron-Parilly), on observe déjà chez les voisins européens les conséquences de la libéralisation et, donc, de l’arrivée de bookmakers peu enclins à reverser leur part à la filière agricole équine. “On est sollicités par des entraîneurs italiens, allemands, qui ne peuvent plus travailler car les conditions se sont dégradées, nous avons déjà ici deux Italiens et un Grec”, confirme Christian Maillard, directeur du centre d’entraînement. “Le bookmaking a tué les courses chez eux, affirme-t-il, car le souci dans ce cas de figure est de faire du bénéfice et pas de soigner les pistes et les chevaux, si bien que tout cela finit par disparaître peu à peu.”
2- Une plus large prise à l’addiction
Déjà fortement sollicité sur la toile, le joueur pourra désormais s’adonner de chez lui au poker ou au pari sportif, en toute légalité. “Sur Internet, la question de l’addiction peut être sensible si les choses ne sont pas régulées. Aujourd’hui, les joueurs sont laissés face à des offres qui ne sont pas raisonnables”, considère la Française des Jeux, qui s’autoproclame “opérateur responsable” et compte bien communiquer sur ce statut pour attirer les joueurs les plus méfiants face à cette offre abondante.
3- La taxation, pierre angulaire du projet de loi
L’État va devoir renoncer à ses recettes fixes annuelles tirées de la Française des Jeux, du PMU et des taxes sur les casinos. La libéralisation mettra-t-elle fin à des ressources qui jouent un rôle important dans l’équilibre des comptes du Trésor public, et dont certaines sont affectées aux sports à l’élevage? C’est un risque que le gouvernement aura nécessairement considéré dans l’établissement de son projet de loi, comptant bien “sécuriser (ses) recettes fiscales” et “préserver la part de recette de l’État, qui s’élève aujourd’hui à 5,3 milliards d’euros”, comme l’a déjà souligné Eric Woerth, ministre du Budget, également maire de la très hippique commune de Chantilly. Autrement dit, l’État compte bien ne pas laisser s’échapper une manne financière estimée aujourd’hui entre 2,3 et 3,1 milliards d’euros et qui représenterait entre 5 et 7 milliards d’ici trois ans (pour les jeux en ligne).
Si un délicat arbitrage a d’ores et déjà écarté une taxation de l’État sur le produit brut des jeux (c’est-à-dire la différence entre mises jouées et gains reversés) au profit d’une taxation sur les mises, son taux n’a pas été fixé. 4% comme en Italie ? 29% comme pour les jeux de grattage ? Ou 12% comme pour le Loto sportif ? Dans tous les cas, l’État risque de perdre de sa souplesse et de sa liberté dans l’utilisation de ses recettes.
Les modalités
Afin de pouvoir contrôler les jeux, la France souhaite limiter l’accès à son marché aux seuls opérateurs qu’elle agrémente. Avec, pour corollaire, un contrôle strict de leur activité. Une instance de régulation unique sera chargée d’examiner les candidatures des opérateurs qui souhaitent organiser des jeux en ligne destinés aux internautes français. Les heureux gagnants se verront accorder une licence, temporaire et renouvelable, par laquelle ils s’engageront à respecter un cahier des charges draconien : interdiction de mettre en ligne des jeux de hasard proposés par les casinos, comme le black-jack. “Nous préconisons nous aussi une ouverture prudente, souligne Jean-François Cot, démarrant avec le seul poker en ligne, et étendue ensuite aux autres jeux de casinos, les machines à sous ne venant qu’en dernier.” Pour Laurent Lassiaz, président du directoire du groupe lyonnais de casinos JOA, c’est sûr, “la roulette ne sera pas retenue”.
En effet, si elle l’était, cela relancerait le débat sur les machines à sous, que les petits casinotiers non propriétaires de sites craignent de voir débarquer sur la toile, aux dépends de la fréquentation de leur établissement. En ce qui concerne les paris hippiques, Olivier de Seyssel, le président de la société sportive du Rhône en charge du fonctionnement de l’hippodrome de Villeurbanne, est clair: “il faut garder le pari mutualisé, (où les gagnants se répartissent la mise, NDLR). Il ne faut pas ouvrir les paris à cote fixe, qui risque d’attirer beaucoup de bookmakers qui ne reverseront rien à la filière cheval.” À Bercy, il semblerait que, pour les courses hippiques, le pari mutuel soit en effet privilégié, tandis que pour les autres sports, c’est le pari à cote fixe qui devrait être autorisé, afin d’obtenir davantage d’enjeux et, donc, de récupérer plus de taxes.
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