Dossier Jeu : Addiction sans drogue : le cerveau prend goût au jeu

Entre 1% et 3% de la population française serait dépendante au jeu. Les scientifiques parlent d’”addiction sans drogue”, une authentique toxicomanie sans la moindre substance absorbée et activée par les mêmes zones cérébrales que lors de la prise de drogues euphorisantes.

Accros aux machines à sous, camés au PMU, addicts à l’Euromillions, à tel point de ne plus pouvoir se contrôler. “On n’a pas de chiffres pour la France et, donc, par extrapolation des études anglo-saxonnes, on estime qu’entre 600 000 et 1,8 millions de Français sont des joueurs soit excessifs, soit pathologiques”, explique Christelle Andres, directrice du Centre de référence sur le jeu excessif, ouvert au CHU de Nantes. Les joueurs excessifs ? Ceux qui jouent trop, trop souvent, trop longtemps, et trop d’argent.

Les spécialistes du sujet comparent souvent cette dépendance à celles liées aux excitants: l’OMS a reconnu que le jeu pouvait être une pratique addictive dès 1980 et déclare même qu’il s’agit de l’addiction sans drogue la plus citée par les manuels de psychiatrie. “Dans le jeu, on est davantage face à la dépendance de type cocaïne, amphétamines. C’est une dépendance qui va se manifester moins par l’intensité du sevrage que par l’importance des impulsions irrésistibles à rejouer” atteste Marc Valleur, psychiatre, chef du service de soin aux toxicomanes de l’hôpital Marmottan, à Paris (lire entretien). Comment, dès lors, expliquer que passer ses nuits au casino ou ses journées au PMU active les mêmes zones cérébrales que dans le cas où il y a prise de substances ? Par la chimie du cerveau, nous répond-on.

Un Lyonnais démontre que le jeu pourrait être génétique

Pour la première fois, en septembre 2008, un scientifique - qui plus est lyonnais - est parvenu à caractériser, les réseaux cérébraux impliqués dans le traitement des récompenses monétaires. Jean-Claude Dreher, chercheur au centre de neuroscience cognitive (CNRS/ Université Lyon 1), en collaboration avec le National Institute of Mental Health (Bethesda, Maryland)*, a montré que l’activation du système cérébral de la récompense dépend de la version de gènes que l’on porte. Autrement dit, nous ne sommes pas égaux, d’un point de vue biologique, devant l’addiction. Certains auraient un terrain de prédisposition génétique plus favorable que d’autres !

Pour faire simple, le système de récompense du cerveau est activé par la dopamine**. Or, deux gènes sont responsables du taux de dopamine cérébral disponible. Les chercheurs ont donc étudié les interactions de ces deux gènes. L’expérience était la suivante : les cerveaux de vingt personnes âgées d’une vingtaine d’années et treize sexagénaires ont été observés pendant que les participants jouaient à des machines à sous virtuelles, présentant des probabilités de gains différents.

Résultat : chez les individus porteurs des gènes qui dégradent moins rapidement la dopamine, le système de récompense est d’autant plus activé. Donc, ils réagissent plus à la récompense, et à l’espérance de gains. L’expérience a également démontré que cette activité cérébrale change en fonction de l’âge : selon Jean-Claude Dreher, le cerveau des personnes âgées est simplement moins sensible aux récompenses et, en l’occurrence, à l’argent. Alors, bientôt un vaccin contre l’addiction ?

*Variation in dopamine genes influences responsivity of the human reward system, in Proceedings of the National Academy of Science USA (2008, december 22).
** la dopamine est un neurotransmetteur, plus précisément une molécule qui module l’activité des neurones dans le cerveau.

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