Jusqu’à présent, mon passé de joueur se résume à des parties entre amis, dont l’enjeu dépasse rarement 10 euros. Une petite expérience sur Internet, avec quelques gains, persuade la rédaction de Lyon Capitale, que je suis l’homme de la situation. Celui qui doit affronter, pour de vrai, les joueurs de poker du Casino le Lyon Vert.
H-10 : Pour obtenir les informations sur le tournoi de la soirée, la standardiste du Casino me confie directement le numéro de portable du responsable de la salle de poker. Monsieur Schulmann. Il est sur messagerie. Normal, il est 11 heures du matin, et j’imagine aisément que l’homme a dû tutoyer l’aube pour veiller sur les tables de Texas Hold’em.
H-4 : Monsieur Schulmann me rappelle. Voix chaleureuse et verbe haut des hommes de la nuit : l’homme sait mettre en confiance. Je me sens déjà faire partie d’un cercle d’intimes. À ma question sur les modalités d’inscription, que je suppose très contrôlées, (je m’imagine déjà fiché par les RG, rien qu’en passant ce coup de fil), il me répond avec humour : “vous avez de l’argent ? C’est tout ce que l’on vous demande !”
L’argent justement. 180 euros pour s’inscrire au tournoi. 40 personnes autour de quatre tables de dix. Gain potentiel pour le premier : environ 4000 euros. De quoi réveiller mon instinct vénal… Je lui confirme ma venue.
H-2 : Petit sentiment de panique. Je prends conscience que l’anonymat sur Internet est bien pratique lorsqu’il s’agit de s’en prendre au porte-monnaie des adversaires. Mais ce soir, ils seront face à moi. Je redoute une forme de violence en raison de l’enjeu d’argent. Je n’en mène pas large au point de me tromper trois fois de route pour venir au Casino. Acte manqué. Je n’ai plus vraiment envie de jouer. Je suis à deux doigts de renoncer, mais la curiosité est plus forte.
H-1 : Casino de la Tour de Salvagny. Une fiche de renseignements, une pièce d’identité et me voilà l’heureux possesseur d’une “card player”, réservée au joueurs de poker des tables du groupe Partouche. L’accueil en salle est très chaleureux. C’est monsieur Schulmann qui me reçoit et me donne les instructions. Face à mon stress, il dédramatise. Me rappelle que c’est un jeu, que j’ai toutes mes chances et m’assure que les croupiers sont indulgents avec les novices. Il a un mot pour tous les inscrits. Le “comment tu vas depuis hier” adressé à la plupart en dit long sur l’expérience de mes adversaires du soir ! Je paie. 180 euros, dont 150 seront reversés au pot commun pour les gains. Le reste sera encaissé par le casino. Je m’installe au bar afin de combattre une angoisse mal contrôlée.
21h03 : La partie débute sans moi. Second acte manqué : je n’ai pas vu l’heure passer. Je rejoins à la hâte neuf personnes autour d’une table. Surprise. L’ambiance est étonnamment détendue. Les plaisanteries fusent. En fait ils se connaissent presque tous !
21h12 : Je viens de me faire reprendre -gentiment- par la croupière pour la deuxième fois. Je n’ai pas respecté l’usage qui consiste à annoncer oralement les mises et à poser les jetons en même temps. La première “remontrance” était liée à … ma lenteur de jeu.
Pourtant, j’ai le sentiment d’être à la hauteur. De bonnes cartes, de petits gains, et deux joueurs déjà éliminés. Mines défaites, ils ont immédiatement quitté la salle.
21h22 : Le tournant de la partie pour moi. Je n’ai pas cru en une paire de dix. Je “passe” au lieu de “suivre”, car mon adversaire a fait “tapis” (il a misé tout son argent sur ce coup) et gagne avec… une paire de deux. Un bluff surprenant à ce niveau de jeu. Je m’en veux un peu, car mon pécule commence à baisser dangereusement.
21h37 : Je tiens ma chance. Un as et un valet de carreau. Trois possibilités de gagner (paire d’as, suite et couleur). Mon adversaire est le “bluffeur” de tout à l’heure. Il mise son tapis. Cette fois, je ne peux pas refuser le combat, d’autant que le flop donne un valet qui m’assure déjà une paire forte.
Et pourtant… Fin de partie pour moi. Mon adversaire avait du jeu. Une paire de rois qui, au final, m’élimine définitivement du jeu. Grosse déception, mais surtout sentiment de honte d’avoir perdu 180 euros en… 34 minutes. Je me réconforte – un peu- en constatant que six autres personnes ont déjà mangé leur chapeau avant moi.
21h39 : Je quitte le casino avec la certitude qu’on ne m’y reprendra plus. Foi de joueur !
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